L'accompagnement est en effet le maître mot d'une transition écologique réussie. Si la transition vers une agriculture sans pesticides doit être entreprise avec sincérité et résolution, elle ne peut raisonnablement faire l'impasse sur le principe de réalité. Ce projet de loi ne propose donc qu'une solution à court terme, qui vise à contrecarrer des pratiques catastrophiques pour la biodiversité. Cette solution répond également à une urgence : toutes les régions productrices françaises sont touchées par le virus de la jaunisse de la betterave ; la perte de rendement peut atteindre 20 % à 40 % pour les parcelles les plus touchées. Cette situation incite les agriculteurs à ne pas replanter de betteraves sucrières. Nous risquons ainsi de les voir, en 2021, massivement délaissées au profit d'autres cultures, ce qui pourrait entraîner la fermeture de nombreuses sucreries et, à terme, la disparition de la filière betteravière.
Il faut donc réfléchir à des alternatives plus respectueuses de l'environnement. Les chercheurs de l'INRAE, l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement, travaillent depuis des années à la mise au point de pratiques durables : changement du système de culture, faux semis avant implantation, rotation de cultures beaucoup plus longues, parcelles plus petites, accroissement de la biodiversité, recours aux prédateurs des pucerons. Des alternatives sont donc en cours d'élaboration, mais encore trop peu abouties pour être utilisées efficacement par les agriculteurs. La recherche prend du temps et nécessite beaucoup de moyens. Néanmoins, grâce au plan de relance et aux investissements massifs, 5 millions d'euros viennent d'être débloqués en vue de la recherche de solutions efficientes qui nous éviteront, dans trois ans, une nouvelle impasse.
Rappelons que le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés a fait adopter en commission, avec d'autres groupes, des amendements instituant un conseil de surveillance chargé du suivi de la recherche et de la mise en oeuvre d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes. Nous sommes convaincus que l'éradication des populations de pucerons ne sera possible, à terme, qu'en recourant à l'agro-écologie et entre autres aux haies bocagères, véritables réservoirs de biodiversité, en particulier de prédateurs des pucerons. Sept ou huit ans suffisent pour enrichir le paysage d'une haie de belle taille. Nos concitoyens y sont très sensibles, car ces haies sont bien visibles et ont un effet perceptible sur la biodiversité, permettant l'installation de nouvelles populations d'insectes utiles. Monsieur le ministre, profitons donc de l'actuelle réforme de la PAC, la politique agricole commune, pour inciter les agriculteurs à se tourner vers d'autres méthodes, telles que les haies bocagères.
L'agriculture s'inscrit dans le temps long : elle nécessite un accompagnement durant plusieurs années. C'est pourquoi nous considérons qu'il est indispensable de proposer une politique à long terme, par exemple un soutien et une restructuration de la filière apicole ou la création d'espaces Natura 2000 visant à favoriser l'installation de ruches et la production d'un miel français. Il importe d'accompagner ce projet de loi de politiques publiques globales, destinées d'une part à encourager la restructuration de nos paysages par des haies, d'autre part à soutenir les apiculteurs, auxquels il est de notre devoir d'adresser des signaux positifs. Dans cette attente, nous voterons en faveur du texte qui nous est soumis.