Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Il y a eu quelque incurie partagée, du fait de l'État, en partie peut-être aussi du monde paysan et de la filière, ainsi que de nos organisations collectives de marché, qui ont failli. Si nous ne faisons pas cet examen de vérité, nous ne sommes pas prêts à engager la transition qui vient.

La première responsabilité, monsieur le ministre, consiste à avoir mis en panne un plan Écophyto supposé résoudre à la source l'agri-bashing, les controverses et les polémiques qui sont autant de freins empêchant la France d'être le leader de l'agro-écologie qu'elle devrait être. Cette panne d'Écophyto dans les trois années qui viennent de s'écouler, c'est notre responsabilité – c'est la vôtre. Il est urgent de remettre en route ce processus, car le conseil de surveillance que vous avez évoqué concerne une molécule, une culture et 400 000 hectares : si nous devons déployer ce modèle à l'échelle de la France, il faudra soixante-dix de ces conseils ! Je préfère donc un plan Écophyto démocratique, transparent et efficient, exprimant la puissance publique et privée de notre pays et tourné vers les marchés du futur.

Le groupe Socialistes et apparentés n'a pas voulu opposer la dignité de tous les travailleurs de la terre et poursuit l'ambition non seulement d'assurer la souveraineté alimentaire de notre pays, mais aussi – et je préfère cette expression – de contribuer à une sécurité alimentaire mondiale où la France doit prendre toute sa place et de protéger cette assurance-vie que représente la biodiversité.

En voulant concilier ces trois impératifs, nous avons conçu un « plan B » comme un processus associant des innovations de marché : une filière fabriquant un sucre qui, dans dix ans, portera pour 50 % une mention valorisante ; une révolution économique et sociale créant, par la solidarité, une véritable force dans les marchés du futur ; une contribution de la part d'une filière qui a bénéficié de l'écroulement des prix et acheté sa matière première deux fois moins cher pendant les trois dernières années ; une contribution volontaire obligatoire qui crée les conditions d'une assurance collective ; enfin, une réforme du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental et du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Ces réformes permettraient, à court terme, non seulement de disposer de la ressource, mais aussi d'assurer l'indemnisation totale de 100 % des pertes causées par le puceron et la jaunisse, d'engager la transition écologique que nous souhaitons et de prendre en charge le déficit de l'industrie sucrière, dont les charges fixes sont très importantes et qui doit être compensé à cet effet.

Tout cela n'est possible que mis au service d'une troisième révolution, laquelle est une innovation agro-écologique combinant sept techniques. Je n'en citerai que trois : le criblage génétique, qui est le choix des variétés ; l'écologie chimique, par l'addition des variétés et, au-delà, par le mélange des espèces ; le changement de nos mosaïques paysagères. Cette troisième technique me semble être la plus grande promesse, à moyen et long terme.

En combinant ces innovations de marché et commerciales, une innovation économique et sociale et la transition agro-écologique, nous pourrons créer les conditions d'une filière durable – qui ne pourra cependant l'être qu'à la condition que nous réformions les marchés. Nous avons, pour ce faire, deux outils sous-utilisés, que je vous invite, monsieur le ministre, à mettre en oeuvre. Le premier est celui des organisations de producteurs : les grandes régions françaises qui produisent de la betterave doivent s'organiser non seulement pour fixer un prix de base, comme le prévoient la loi Sapin 2 – la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – et la loi EGALIM – la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable – , mais elles doivent aussi pouvoir réguler à nouveau le marché, avec des instruments nouveaux, sans quoi tous nos discours seront vains et nous irons de crise en crise. Nous devrons également encourager une réforme de l'organisation commune des marchés à l'échelle européenne ; j'attends de vous, monsieur le ministre, que vous la souteniez dès demain.

Nous devons, mes chers collègues, nous inscrire dans le récit d'une seule santé, seul récit qui permette de réconcilier les hommes, la nature et l'économie. Une seule santé, c'est le pari que la santé de l'homme dépend de la santé des végétaux, de celle des animaux et de celle du sol, et qu'il s'agit là d'un seul combat. Ce combat, nous le disons en tant que socialistes, nous ne pouvons pas le mener sans justice. C'est pourquoi nous avons engagé autant de réformes économiques et sociales que de réformes écologiques. Une seule santé, c'est le pari que nous faisons aujourd'hui. C'est ce qui pourrait nous rassembler et c'est pourquoi nous vous invitons à voter contre ce projet de loi.

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