Député du Bas-Rhin, élu d'un territoire où se trouve la sucrerie d'Erstein, je mesure l'ampleur des menaces qui pèsent sur cette filière. Nous savons malheureusement que la perte de 10 % à 15 % de la surface de betterave signifierait l'arrêt de l'usine, incapable de couvrir ses charges de structures, et entraînerait la suppression de dizaines d'emplois. Les agriculteurs ne pouvaient attendre une année de plus – ou davantage, en fonction de l'évolution de la recherche – pour trouver une solution en termes de contrôle des attaques de pucerons. La seule indemnisation des pertes financières n'est pas non plus la bonne piste, car il faut d'abord assurer la survie d'un outil industriel et sa capacité d'approvisionnement, question d'une très grande actualité à l'heure des relocalisations. N'oublions pas, en effet, que la filière sucrière a récemment encore démontré son caractère stratégique en lançant au pied levé la fabrication de gel hydroalcoolique, alors que nous manquions de tout, au plus fort de la crise du covid-19.
Sur le plan législatif, ce projet de loi est un progrès sensible par rapport aux modalités strictes d'interdiction des néonicotinoïdes adoptées en 2016. Il permet en effet de rouvrir la voie à une dérogation, prévue à l'article 53 du règlement européen 11072009 afin de parer à une situation sanitaire urgente. Sans ce recours face à une menace imprévisible, nous nous serions trouvés dans un cas typique de surinterprétation de la réglementation européenne, pratique souvent dénoncée par les acteurs économiques et qui nous a placés dans une impasse technique.
Européen convaincu, j'ai toujours défendu la hiérarchie des normes entre ce qui relève du droit européen et ce qui est du ressort du législateur national. Dans le même esprit, je regrette que, trop souvent, le Parlement cherche à se substituer au pouvoir exécutif en légiférant sur des dispositions qui sont, de toute évidence, d'ordre réglementaire. Faut-il, dès lors, s'étonner que ces pratiques nous amènent régulièrement dans un corner, …