Intervention de Adrien Taquet

Séance en hémicycle du mardi 6 octobre 2020 à 15h00
Encadrement de l'image des enfants sur les plateformes en ligne — Présentation

Adrien Taquet, secrétaire d'état chargé de l'enfance et des familles :

Vous savez toutes et tous à quel point la ministre de la culture, Mme Roselyne Bachelot, aurait souhaité être avec vous aujourd'hui, mais il se trouve qu'elle applique scrupuleusement, comme chacun de nos concitoyens, les consignes sanitaires du Gouvernement. Il me revient donc à la fois de vous transmettre son soutien et ses remerciements pour votre travail, et d'exprimer l'avis du Gouvernement au sujet de cette proposition de loi visant à encadrer l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Je me réjouis, cher Bruno Studer, de pouvoir être présent avec vous aujourd'hui, alors que nous avons initié ensemble la réflexion sur ce texte il y a plusieurs mois.

Depuis 2017 en effet, le Gouvernement s'est attaché à maintes reprises, à l'échelle nationale et européenne, à mieux réguler l'espace numérique pour que chacun y soit mieux protégé. Il le fait par exemple au travers de la lutte contre la manipulation de l'information, une ambition que le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, M. Cédric O, porte en permanence. J'ai pour ma part un intérêt particulier pour la protection des mineurs et, en tant que secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, je suis évidemment très attentif à ce qu'internet ne soit pour eux ni un espace de non-droit ni un espace de violence, quelle qu'elle soit.

En effet, les enjeux neurologiques, psychologiques et sociaux de l'exposition des enfants aux écrans ne sont connus que depuis peu. Il est donc logique que la législation applicable s'adapte à l'évolution des connaissances scientifiques et à celle des pratiques de la société. En matière de conséquences sur le développement de l'enfant ou de façonnage des représentations de genre et sexuelles – au travers notamment de l'exposition à la pornographie – , la législation, évolutive, révèle la volonté des pouvoirs publics de rester agiles et réactifs face à des phénomènes à l'évolution rapide. Le Parlement l'est aussi et cette proposition de loi constitue, en la matière, un cas d'école.

L'apparition d'enfants dits influenceurs, c'est-à-dire qui participent à des vidéos souvent conçues et réalisées par leurs parents et générant des revenus, est relativement récente. Ce n'est que depuis peu que des plateformes de partage, comme YouTube ou TikTok, hébergent des vidéos, nombreuses, dans lesquelles des enfants sont filmés en train de jouer, de cuisiner, de réagir à différentes situations qui, en dépit de leur apparente spontanéité, sont souvent mises en scène par des adultes. Pour ces enfants, ces activités et l'exposition publique de leur image qui en résulte présentent de nombreux risques qu'il est indispensable de prévenir.

La présente proposition de loi, que vous examinez aujourd'hui en deuxième lecture, montre que le Parlement a bien conscience de ces enjeux. Elle propose d'étendre et d'adapter à l'univers numérique le dispositif de protection qui s'applique déjà aux enfants dans le secteur du spectacle et aux jeunes mannequins. En comblant ce qui était jusqu'à présent un vide législatif, elle garantit l'application sur les plateformes de partage de vidéos des règles de droit commun. Elle propose également de nouvelles mesures adaptées à la spécificité des usages numériques.

Le texte examiné – et cela participe de sa force – repose sur la responsabilisation de tous les acteurs impliqués, en premier lieu des parents. Le plus souvent, ce sont eux qui organisent l'activité de leur enfant. Il leur reviendra, ou bien il reviendra aux représentants légaux, de déclarer l'activité de l'enfant et de respecter le régime d'obligations qui s'imposera à eux. Si l'activité des mineurs est assimilable à un travail salarié, elle sera soumise au régime prévu par le code du travail, comme c'est le cas pour les enfants employés pour se produire sur scène ou lors de tournages. Si cette activité ne peut être considérée comme relevant du salariat, une attention particulière sera accordée en fonction du nombre de vidéos réalisées et du montant des revenus qui en sont tirés. Une action pédagogique forte, de prévention, sera notamment menée au sujet des règles à respecter. Surtout, il est prévu que les représentants légaux assurent la consignation des revenus obtenus, afin qu'ils soient reversés directement aux enfants à leur majorité. Cette mesure me semble un point majeur du texte.

La proposition de loi que vous examinez aujourd'hui définit également les responsabilités incombant aux annonceurs, qui sont nombreux à assurer la promotion de leurs produits par le biais de jeunes influenceurs. Ils devront vérifier que les enfants relèvent bien du régime qui s'impose à eux et seront tenus de verser, le cas échéant, la rémunération des enfants à la Caisse des dépôts et consignations, afin qu'elle soit consignée jusqu'à leur majorité. Le texte tend enfin à renforcer la responsabilité des plateformes de partage hébergeant les vidéos et tirant donc elles aussi des revenus de l'audience réalisée. Elles devront adopter des chartes relatives à la protection des mineurs, dont le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, sera chargé de veiller à l'efficacité et à la bonne application.

En plus de cette responsabilisation des différents acteurs, la proposition de loi prévoit également de nouveaux droits pour les enfants, indispensables à leur protection. C'est le cas en particulier du droit à l'oubli, que les enfants pourront exiger sans avoir à obtenir au préalable l'accord de leurs parents – garantie pour que ce droit puisse s'appliquer sans restriction. Il s'agit d'une autre mesure importante du texte, grâce à laquelle les enfants seront assurés que l'exposition dont ils ont fait l'objet à un moment de leur vie ne pourra pas produire d'effets irréversibles. Les évolutions du texte intervenues au cours de la première lecture ont permis de clarifier les modalités du dispositif de protection qui sera mis en place. Celui-ci s'appuie sur des mesures efficaces et pragmatiques, qui définissent clairement les responsabilités de l'ensemble des acteurs concernés.

Ce texte est en définitive remarquablement précis et équilibré. Les mesures qu'il contient contribueront de manière concrète et effective à la protection des mineurs. Ses règles s'appliqueront à tous les acteurs de la vie numérique, qu'il s'agisse des géants qui hébergent un nombre apparemment infini de contenus ou bien des usagers des plateformes numériques qui s'y expriment de façon souvent anonyme, parfois à des fins lucratives. Construit dans le respect absolu de la liberté d'expression, il contribuera à faire d'internet ce qu'il doit être : un espace de création, de partage et de liberté qui respecte les droits de chacun. Voilà pourquoi le Gouvernement apporte son soutien total à la proposition de loi déposée par M. Bruno Studer.

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