L'occasion m'étant donnée de prendre de nouveau la parole au sujet de cette proposition de loi, je voudrais rappeler les raisons de mon intérêt pour cette question, après quoi je reviendrai sur les modifications apportées par le Sénat, qui me semblent aboutir à un texte équilibré. Ma motivation est en définitive simple, chers collègues : il s'agit de rappeler, y compris à l'heure d'internet – qui n'est pas une zone de non-droit – , que le travail des enfants est interdit en France, sauf dérogation. Ces dérogations pour les enfants dits du spectacle existent depuis les années soixante ; il faut s'en réjouir. Elles offrent un cadre juridique robuste et protecteur, qu'il s'agit aujourd'hui d'adapter, avec toutes les difficultés que cela peut comporter, aux enfants dits influenceurs ou youtubers, dont l'image est exploitée commercialement sur les plateformes de partage en ligne. Je le répète, le travail des enfants est interdit, sauf dérogation, y compris sur internet.
Il ne s'agit pas d'interdire pour interdire. On ne peut que se réjouir, comme vous l'avez dit monsieur le secrétaire d'État, de l'émergence de nouvelles formes d'expression et de création. Il convient néanmoins de nous assurer que, lorsque nous, nos enfants – comme les miens – ou nos petits-enfants regardons des vidéos sur ces plateformes, les intérêts supérieurs des enfants qui sont derrière l'écran sont protégés : droit au consentement d'abord, droit au repos, droit à l'instruction, droit enfin de bénéficier le moment venu, lors de leur émancipation, des revenus générés par leur activité.
Souvent, dans nos circonscriptions, les citoyens nous interpellent au sujet du temps passé par les enfants devant les écrans. Avec ce texte, il s'agit de s'intéresser aux enfants qui se trouvent derrière. C'est un phénomène que l'on connaît relativement mal, mais l'on sent bien que quelque chose se passe. Ce projet de loi permettra d'ailleurs, grâce au nouveau rôle dévolu au CSA, d'acquérir une meilleure connaissance du phénomène des enfants influenceurs, dont on estime qu'il génère jusqu'à 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel. On sait aussi que trois enfants, parmi le top douze, seraient mineurs et que certains d'entre eux génèrent jusqu'à 150 000 euros de revenu mensuel en France. Or il faut s'assurer que, le moment venu, lorsqu'ils seront émancipés de leurs parents, ils pourront bénéficier de ces sommes. Voilà tout ce que propose ce texte.
J'en viens maintenant aux précisions et améliorations apportées par le Sénat. Je tiens à en remercier les membres, en particulier Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. À l'article 1er, l'information des employeurs des enfants stars des plateformes de partage de vidéos a été renforcée. Dans le même temps, les peines prévues en cas de non-respect du nouveau cadre juridique ont été ajustées afin de mieux se conformer au principe de légalité des délits et des peines. Une simplification a également été introduite au profit de l'ensemble des enfants dits du spectacle qui pourront, dès leur émancipation, accéder aux fonds déposés sur un compte ouvert à leur nom à la Caisse des dépôts.
À l'article 2, le Sénat a souhaité élargir le champ de la saisine judiciaire pouvant être opérée par l'autorité administrative : cette saisine sera désormais possible non seulement vis-à-vis des producteurs professionnels mais aussi dans les situations semi-professionnelles, s'il a été constaté que les représentants légaux de l'enfant ont manqué à l'obligation de déclaration de leur activité de vidéo. Une telle mesure ne peut que renforcer l'efficacité de l'ensemble du dispositif, en ne laissant aucune situation en dehors du champ de la loi et en améliorant la coopération avec les plateformes.
Je suis également favorable aux modifications apportées à l'article 3 ; elles permettront à l'autorité administrative de formuler des recommandations aux parents agissant dans un cadre semi-professionnel sur une large palette de sujets, allant des conditions de réalisation des vidéos aux obligations financières prévues par la loi. Les dispositions du texte n'en seront que mieux appliquées.
La responsabilité propre aux annonceurs, à laquelle je tiens, a également été clarifiée et renforcée tandis que l'article 4, scindé par la création d'un nouvel article 4 bis, a fait l'objet de modifications essentiellement rédactionnelles.
À l'article 5, le Sénat a procédé à une modification identique à celle que nous avions effectuée lors de l'examen en commission du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère du numérique – je n'y reviens pas.
Enfin, les articles 6 et 8 ont été adoptés conformes par la Haute Assemblée.
En définitive, je vous proposerai d'adopter sans modification la proposition de loi issue de la première lecture du Sénat.
Il me reste quelques secondes pour remercier tous ceux qui travaillent sur ce sujet depuis plus de deux ans – il y a plus de deux ans en effet que je suis venu vous voir, monsieur le secrétaire d'État – , notamment l'administration de l'Assemblée nationale, dont le diagnostic a lancé le travail légistique, tout particulièrement Chloé Marchand et Alexandra Feuillade, chef de division de ma commission, ainsi que mes collaborateurs. Un travail interministériel, c'est toujours compliqué, mes chers collègues : je voudrais donc saluer également l'implication des ministres Franck Riester, Cédric O, Roselyne Bachelot, bien entendu, Muriel Pénicaud, Élizabeth Borne et vous-même, Adrien Taquet.
Il ne faut pas oublier la place que tient Matignon dans ce travail interministériel, même si c'est souvent un travail de l'ombre. Permettez-moi de remercier ici pour leur appui Fanny Le Luel, Adrien Caillerez et Maïa Wirgin.
Chers collègues de tous les groupes, merci pour le soutien que vous m'avez apporté lors des discussions en commission et en première lecture. Permettez-moi de remercier tout particulièrement Gilles Legendre, qui a permis l'inscription de ce texte à l'ordre du jour quand il présidait mon groupe, ainsi que Christophe Castaner, pour la même raison.