Je suis heureux de vous présenter, pour la quatrième année consécutive, les grandes orientations du projet de loi de finances pour 2021. L'examen du texte se déroulera dans des circonstances économiques exceptionnelles : comme tous les autres États, la France est touchée par une crise dont la gravité ne peut être comparée qu'à celle de la grande récession de 1929. La France connaîtra en 2020 une récession de 10 %, soit le chiffre le plus élevé depuis la deuxième guerre mondiale.
Cette crise économique, dont on oublie parfois la violence, a eu des conséquences directes sur des centaines de milliers de salariés et des dizaines de milliers d'entreprises. Elle a conduit au premier semestre à la suppression de plus de 715 000 emplois, en majorité des contrats intérimaires, à durée déterminée – CDD – , courts, ou peu qualifiés. Elle frappe inégalement les secteurs. Certains, je m'en félicite, se redressent rapidement, notamment grâce aux mesures de soutien adoptées l'été dernier par le Gouvernement : les industries agroalimentaire ou automobile – la France est le pays d'Europe qui a vendu le plus grand nombre de voitures cet été – ou encore les secteurs des services, du bâtiment, des travaux publics. Dans tous ces domaines, nous tenons le bon bout et devons poursuivre le redressement de l'activité.
D'autres secteurs en revanche sont très durement touchés, comme l'hôtellerie, la restauration, l'hébergement, les bars, l'événementiel, la culture, le sport, le transport de voyageurs. Je pense aussi au secteur de l'aéronautique, atteint de plein fouet par la chute du transport aérien et l'effondrement des commandes de nouveaux aéronefs. L'activité des hôtels comme celle des agences de voyages est encore inférieure de 40 % à l'activité normale, celle du transport aérien de 30 %. En outre, leurs perspectives ne sont pas engageantes ; les mois à venir resteront difficiles. Notre accompagnement doit donc être maintenu.
Notre responsabilité, que nous avons assumée depuis les premiers jours de la crise, au début du mois de mars, consiste à soutenir les secteurs et les territoires durablement affectés par la crise. Nous avons fait ce choix dès le départ et nous n'en changeons pas : tous ceux qui doivent être aidés par la puissance publique continueront à l'être tant que durera la crise économique.
Nous avons accordé 120 milliards d'euros de prêts garantis par l'État à plus d'un demi-million d'entreprises, dont 95 % sont des très petites entreprises – TPE – et des petites et moyennes entreprises – PME – , je tiens à le préciser. Nous avons apporté plus de 6 milliards d'euros d'aides à 1,7 million de commerçants, d'indépendants et d'artisans grâce au fonds de solidarité, qui est maintenu pour certains secteurs. Nous avons accordé des reports d'échéances fiscales et sociales à hauteur de 42 milliards d'euros depuis mars, et des suppressions de cotisations sociales à l'hôtellerie, à la restauration, à la culture et à l'événementiel, à hauteur de 5 milliards.
Nous avons accompagné des millions de Français et, je tiens à le dire, sauvé des centaines de milliers d'emplois grâce au chômage partiel, au financement duquel nous avons déjà consacré 22 milliards d'euros. Je me réjouis que 1 600 accords d'activité partielle de longue durée aient déjà été signés : c'est la preuve que les entreprises se saisissent de cette possibilité.
Nous avons fait entrer ces dispositifs en vigueur dès le mois de mars, néanmoins nous n'avons cessé d'écouter les critiques, d'évaluer les mesures et de corriger ce qui devait l'être. Je n'ai absolument pas la prétention d'affirmer que nous avons d'emblée trouvé la meilleure solution, mais nous avons apporté une réponse forte et nous n'avons cessé de la faire évoluer. J'en prendrai pour exemple les prêts garantis par l'État. Beaucoup d'entreprises s'inquiètent de voir leur prêt à 0,25 % d'intérêt arriver à échéance et, craignant de ne pas pouvoir le rembourser, se demandent à quel taux elles pourraient en obtenir la prolongation. Celui-ci sera compris entre 1 et 2,5 %, garantie de l'État comprise. Je recevrai la Fédération bancaire française le 19 octobre pour m'assurer que toutes les agences bancaires respecteront ces chiffres pour les PME qui demanderaient la prolongation de leur prêt garanti par l'État.
La semaine dernière, nous avons également renforcé le fonds de solidarité, pour les secteurs les plus touchés par la crise. Il était réservé aux entreprises employant jusqu'à vingt salariés, et sera étendu à celles employant jusqu'à cinquante salariés dans les secteurs les plus éprouvés. Les entreprises qui ont perdu 50 % de leur chiffre d'affaires pourront toujours prétendre à l'aide de 1 500 euros par mois ; l'aide versée aux entreprises qui ont perdu 70 % de leur chiffre d'affaires atteindra 10 000 euros par mois.
À la demande de certains secteurs – et je remercie les parlementaires de s'être fait leurs porte-voix – nous avons considérablement élargi le champ des bénéficiaires de ce fonds. Une trentaine de secteurs liés au tourisme et à l'événementiel pourront désormais en recevoir un soutien, dont ils étaient jusque-là privés. Ainsi des arts de la table, des commerces non alimentaires situés dans des zones touristiques internationales, des blanchisseries, des graphistes qui travaillent dans l'événementiel, des photographes, des fleuristes – qui ont tiré la sonnette d'alarme il y a quelques jours quant à une véritable menace de disparition– des bouchers traiteurs, des bouquinistes, des autocaristes, des fabricants de foie gras – victimes de l'arrêt des événements familiaux – des activités de sécurité privée : tous ces secteurs sont désormais éligibles au fonds de solidarité. Je le répète avec force, nous maintiendrons cette politique de soutien aux salariés et aux entreprises aussi longtemps que la crise durera. Je m'adresse à tous ceux que je viens de citer, comme aux commerçants, aux artisans, aux indépendants : nous étions là pendant la crise ; nous resterons à vos côtés.
La réponse de l'État a fait la preuve de son efficacité. Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances montre que les administrations publiques ont pris à leur charge les deux tiers du choc économique et que les destructions d'emplois ont été limitées au regard de la violence de la crise : au deuxième trimestre, l'activité partielle a absorbé près des trois quarts de la baisse des heures travaillées. Imaginez quelle aurait été dans vos territoires la situation sociale, la situation de vos entreprises et de vos commerces, sans cette politique de soutien au chômage partiel ! Les faillites liées à un manque de liquidité ont été évitées : les dispositifs de soutien ont permis de réduire de plus de 80 % le nombre d'entreprises confrontées à cette difficulté. Même le pouvoir d'achat de l'immense majorité des Français a été préservé ; il a certes diminué de 0,5 % par rapport à 2019, mais alors que la production, elle, chutait de 10 % ! L'État a donc joué le rôle qui doit être le sien en période de crise. L'État a protégé les salariés, il a protégé les entreprises, il a protégé les Français. Comme toujours dans son histoire, l'État a protégé la France.
Naturellement, ces dépenses supplémentaires ont une conséquence. La dette atteindra 117,5 % du PIB en 2020, soit une augmentation d'environ vingt points par rapport à l'année dernière. Je le dis sans ambiguïté : cette dette, nous devrons la rembourser. Tous ceux qui font croire aux Français que nous pourrions nous en exonérer leur vendent des illusions.