Nous voici réunis, comme chaque année, pour examiner le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement. C'est toujours un moment particulier, redouté ou attendu par les parlementaires, qui se lancent dans un marathon budgétaire de presque trois mois. Cette année toutefois, le PLF revêt une importance particulière, alors que la crise sanitaire a débouché sur une crise économique inédite. Le contexte macroéconomique dans lequel nous examinons ce PLF est à la fois très détérioré et particulièrement incertain. En 2020 et en 2021, les comptes publics seront plus dégradés que jamais, alors que le déficit public avait atteint en 2019 son plus bas niveau depuis 2001. Le ratio dette sur PIB, qui s'était stabilisé, atteindra 116,5 % en 2021, ce qui doit nous interroger sur la soutenabilité de notre dette publique.
Nous sommes désormais pris en étau entre des dépenses qui augmentent fortement et des recettes qui diminuent dans le même temps. Dès lors, il est de notre responsabilité collective de nous interroger sur l'orientation que nous souhaitons donner à l'évolution de nos finances publiques pour maintenir un niveau d'endettement acceptable. Une réforme du fonctionnement de l'État sera, nous le pensons, indispensable.
Dans ce contexte inédit, le budget 2021 doit être exceptionnel car il est le véhicule législatif qui intègre les mesures annoncées dans le plan de relance. Membres de la majorité, membres de l'opposition et Gouvernement, nous sommes tous tenus par le même impératif : la réussite du plan de relance, qui passera par la clarté : clarté des mesures de soutien proposées aux entreprises, clarté vis-à-vis des interlocuteurs auxquels ce plan peut s'adresser, clarté, enfin, de la stratégie déployée pour permettre à notre économie de se relancer tout en se préparant aux enjeux de demain.
En ce sens, la baisse des impôts de production, principale mesure pérenne présentée par le Gouvernement dans ce projet de loi, est un signal clair et très positif envoyé aux entreprises et donc aux salariés français. Car, lorsque l'on soutient les entreprises, ce sont avant tout les salariés et leurs emplois que l'on soutient. Bien sûr, nous aurions préféré que le Premier ministre attende l'examen de ce texte par la représentation nationale avant de conclure un pacte avec les régions, mais la baisse de la fiscalité de production est un serpent de mer auquel ce gouvernement a eu le courage de s'attaquer. Cette baisse permettra de redonner de l'oxygène aux entreprises industrielles notamment, qui subissent depuis des années une fiscalité de production bien plus importante que partout ailleurs en Europe.
Et ne tombons pas dans le piège de la conditionnalité, mes chers collègues ! À l'heure où les plans sociaux se multiplient dans nos bassins d'emploi, et alors que la liste devrait malheureusement encore s'allonger, la priorité est au sauvetage des emplois et donc des entreprises françaises.
Cette mesure phare ne doit cependant pas faire oublier la situation très précaire des commerçants, artisans et agriculteurs. La création de 100 foncières de redynamisation des commerces et les mesures d'aides à la transition numérique et écologique vont dans le bon sens, bien sûr. Le groupe Agir ensemble défendra des amendements visant à compléter ces dispositifs et à réduire encore la pression fiscale sur ces activités, qui contribuent pleinement à la vie économique des territoires. Car la relance passera par les territoires. Dire cela, c'est faire le constat simple que les 100 milliards d'euros annoncés doivent devenir une réalité pour les acteurs économiques, les collectivités locales et les citoyens.
Les effets d'annonce sont toujours dangereux car ils créent une attente à laquelle il est impératif de répondre. Ce budget doit donc être un instrument souple et intelligent pour convertir les annonces en actes. Pour ce faire, les entreprises doivent disposer d'informations claires sur les aides auxquelles elles peuvent prétendre ou sur les appels à projet sur lesquels elles peuvent se porter candidates. La mise en ligne du site internet planderelance. gouv. fr permet de fournir une information centralisée aux différents acteurs de la relance : particuliers, entreprises, administrations et collectivités territoriales. C'est une excellente initiative car la logique du guichet unique est pertinente. Elle doit donc également exister au coeur des territoires.
Outre le triptyque réunissant élus locaux, préfets et parlementaires – auquel nous croyons beaucoup – , nous sommes convaincus que les chambres consulaires auront un rôle majeur à jouer. À mi-chemin entre les entreprises et l'administration, elles sont un interlocuteur privilégié pour les premières. Mais leur action ne pourra prospérer si leurs ressources affectées continuent de baisser. Monsieur le ministre délégué, monsieur le rapporteur général, vous connaissez nos divergences sur ce point. Nous nous réjouissons donc qu'un accord ait pu être trouvé avec les CCI. Celles-ci ont montré leur utilité et leur efficacité en étant aux côtés des entreprises depuis le début de la crise ; nous devons leur laisser les moyens de poursuivre cette mission.
Enfin, le Gouvernement poursuit l'effort de simplification du système fiscal français. Nous saluons la suppression de plusieurs taxes à faible rendement, prévue à l'article 16 de ce projet de loi, complétée par les amendements proposés par notre rapporteur général et adoptés en commission des finances. De la même façon, la suppression de dépenses fiscales inefficientes répond à la nécessaire rationalisation des dispositifs fiscaux en vigueur.
Monsieur le ministre délégué, vous assumez donc une relance par l'innovation et l'investissement et nous vous soutenons totalement dans cette voie. Cette relance par l'offre n'est toutefois pas exclusive d'une relance par la demande. Sur ce point je voudrais tout d'abord rappeler que le Gouvernement a fait beaucoup, au plus fort de la crise, pour préserver les ménages : système d'activité partielle le plus protecteur au monde, mécanismes efficaces de soutien aux indépendants et aux petites et moyennes entreprises, mesures en faveur des étudiants et des plus précaires. Permettez-moi d'ailleurs de saluer les nouvelles mesures de soutien annoncées jeudi dernier pour les entreprises du secteur du tourisme et de l'événementiel, qui en ont grandement besoin. Ces mesures de soutien sont prolongées et de nouvelles mesures à destination de nos concitoyens les plus précaires sont mises en place, comme nous aurons l'occasion d'en discuter lorsque nous examinerons la seconde partie du PLF.
N'oublions pas que la relance passera aussi par les ménages. Plusieurs mesures de soutien à l'investissement des particuliers figurent dans ce projet de loi, mais je veux insister sur l'impérieuse nécessité d'ouvrir réellement l'accès au dispositif MaPrimeRénov' aux contribuables des neuvième et dixième déciles.