Vous annoncez que le déficit cumulé baissera d'un point et demi dès 2021. Je vous avoue, monsieur le ministre, que je ne comprends pas par quelle magie budgétaire nous retrouverions cette trajectoire, d'autant que vous affaiblissez nos recettes fiscales à venir par une baisse structurelle des impôts de production. Je me pose la question : quelle ressource remplacera dans le budget de l'État la TVA qui viendra compenser les baisses de CVAE pour les collectivités locales ?
Permettez-moi, en outre, d'exprimer une petite inquiétude sur le plan européen. Notre budget intègre des fonds européens qui ne sont pas encore actés et notre propre plan de relance devra être présenté à la Commission européenne. Pourriez-vous nous dire où en sont les échanges avec cette institution ?
Sur le remboursement de la dette, il faudrait vous mettre d'accord avec le Premier ministre, monsieur Le Maire. Ce matin sur un grand média, il déclarait que les Français ne paieraient pas la dette, alors que vous affirmez que toute dette se rembourse un jour. Ce qui est certain, c'est que vous avez déjà commencé à mettre à contribution les ménages avec le prolongement de la contribution à la réduction de la dette sociale et les transferts de dette à la caisse d'amortissement de la dette sociale.
Ce projet de loi de finances est surtout l'occasion d'inscrire des mesures présentées dans le plan de relance du Gouvernement, d'un montant de 100 milliards d'euros.
Pour la part correspondant aux financements français, vous prévoyez une mesure phare : la baisse de la CVAE et de la CFE, pour un montant total de 10 milliards d'euros par an. C'est le gros effort financier supplémentaire inscrit dans cette loi de finances. Or cette baisse d'impôt de production ne nous semble pas adaptée au défi auquel nous devons faire face : non seulement ce cadeau fiscal manque sa cible mais il irrigue des secteurs qui n'ont pas besoin de ces apports.
Cette baisse de fiscalité manque partiellement sa cible parce que la CVAE est essentiellement payée par les entreprises de taille intermédiaire et les grandes entreprises. En effet, en dessous de 500 000 euros de chiffre d'affaires, les entreprises n'acquittent pas cette cotisation. Pour la tranche allant de 500 000 euros à 50 millions d'euros, elles bénéficient de la compensation barémique et ne paient qu'un taux progressif de CVAE. Le taux de 1,5 % n'est acquitté que par les entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 50 millions d'euros : or c'est seulement sur le long terme que celles-ci bénéficieront des effets de ces baisses de fiscalité.
Les TPE, et les PME sont, quant à elles, les oubliées de ce plan de relance. Elles n'ont toujours accès qu'à des prêts garantis. Il est pourtant très difficile pour les PME d'envisager de s'endetter davantage alors qu'elles souffrent d'un manque de trésorerie et surtout de perspectives commerciales.
Détaillons la situation des entreprises face à la CVAE : plus de la moitié des 557 000 entreprises redevables ne contribuent qu'à la cotisation minimum, soit 250 euros. Pour près de 290 000 entreprises, cette mesure ne rapportera donc que 125 euros. C'est bien trop peu pour qu'elle ait l'effet escompté sur la création ou le maintien d'emplois.
En commission, un amendement du rapporteur général a permis d'augmenter le seuil du taux réduit de l'impôt sur les sociétés, mais cette proposition, qui n'est pas nocive bien évidemment, manque elle aussi sa cible. Elle ne prend pas en compte les TPE et les indépendants et bénéficie aux entreprises qui dégagent des bénéfices, autrement dit celles qui, par définition, s'en sortent mieux ! La seule bonne nouvelle pour ce segment de l'activité économique est le renforcement du fonds de solidarité, qu'il faudra bien évidemment voir inscrit dans ce budget.
Par ailleurs, ces baisses de fiscalité irriguent des secteurs qui n'en avaient pas besoin, telles les entreprises du secteur financier qui dégagent beaucoup de valeur ajoutée. Or, en cette période de sécheresse budgétaire, il n'est pas nécessaire d'arroser la mer, vous en conviendrez.
Nous sommes en présence d'un plan de compétitivité de moyen et long terme, demandé de longue date par les organisations patronales, alors que certains segments de notre économie ont besoin d'aides d'urgence, d'autres l'ont souligné avant moi à cette tribune.
L'autre critique que nous adressons à cette baisse de la CVAE, c'est qu'elle est déployée sans ciblage et sans contreparties pour les entreprises. Pour notre part, nous proposons de l'assortir de plusieurs conditions.
Il s'agirait, tout d'abord, d'exclure les grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires excédant 1,5 milliard d'euros, à moins qu'elles ne justifient de contreparties environnementales et sociales : publier un rapport intégrant le bilan des émissions de gaz à effet de serre, se doter d'un plan de vigilance, maintenir les emplois sur le territoire français ou publier des indicateurs de performances sociales. Nous détaillerons ces mesures par voie d'amendement.
Il s'agirait ensuite de taxer une fraction du chiffre d'affaires des plus grandes entreprises, qui serait assujettie à la CVAE, afin de mobiliser les économies ainsi dégagées au profit des PME.
Nous proposerons également une mesure d'incitation à la relocalisation assise sur le crédit d'impôt recherche. Comme nous l'avons dit en commission, nous ne pouvons plus distribuer des milliards d'argent public à des entreprises qui délocalisent la production industrielle en dehors de France et de l'Europe.