Intervention de Laurent Saint-Martin

Séance en hémicycle du jeudi 15 octobre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Après l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je conteste le terme de neutralité budgétaire à propos des crédits d'impôt, car ce n'est pas vraiment le cas : dès lors que l'on modifie un taux, et même si ce n'est pas nécessairement un mal, on sait bien qu'on ne revient pas en arrière, surtout pour des secteurs d'activité comme ceux que vous évoquez.

La vraie question est donc de savoir si une modification des taux de la dépense fiscale pour le cinéma est la bonne réponse à la crise. Vous connaissez ma position de rapporteur général du budget à ce propos : on ne répond pas bien à la crise par des crédits d'impôt. Je vous avais opposé la même réponse lors de l'examen du troisième projet de loi de finances rectificatives, et j'en veux pour preuve que le secteur ne s'est guère relevé grâce aux mesures de ce texte.

Les crédits budgétaires me semblent permettre de répondre aux difficultés de la crise – peut-être pas intégralement, mais nous apportons des réponses dans le plan de relance, avec les 165 millions d'euros que vous connaissez et dont nous pourrions décliner les affectations si vous le souhaitez.

Je rappelle que le crédit d'impôt évoqué dans votre amendement no 2574 a triplé en trois ans, passant de 112 millions à 259 millions de 2016 à 2018. Dans notre pays, le financement du cinéma a cette spécificité qu'il passe notamment par le CNC et par l'obligation faite aux diffuseurs de télévision de soutenir la création audiovisuelle. Nous avons donc un modèle économique spécifique pour le cinéma et la création, qu'il s'agisse des documentaires, de la fiction ou de l'animation.

Je ne crois donc pas, j'insiste, que nous puissions résoudre par la dépense fiscale le problème actuel du secteur de la création audiovisuelle et cinématographique, de quelque type que soit cette création. Nous devons en effet nous interroger sur l'efficacité des crédits d'impôts que nous votons pour le cinéma. En cela, je m'inscris pleinement dans la continuité de mon prédécesseur, qui, durant de longues nuits d'examen du projet de loi de finances, expliquait toute l'inefficacité et l'inefficience qu'il voyait dans certains crédits d'impôts – pas tous – , notamment dans ce secteur.

Pour reprendre des termes qu'affectionne Charles de Courson, la dépense fiscale a un côté un peu « addictif », et c'est typiquement le cas de ce secteur. Je ne l'en blâme pas, puisque son modèle économique est ainsi conçu et que l'initiative parlementaire a pris l'habitude de le faire vivre ainsi. Or ce n'est pas aider le secteur de la culture que de le faire fonctionner avec de la dépense fiscale.

Il existe deux manières de répondre à la crise pour ce secteur – et je ne parle évidemment pas ici des salles et des exploitants touchés par les mesures de couvre-feu, qui seront accompagnés par des mesures budgétaires ad hoc et par des crédits d'urgence, mais de la filière nourrie par les crédits d'impôt. Nous ferons beaucoup mieux de repenser ce modèle économique pour le long terme. Ce ne serait pas un bon signal que de donner, face à la crise, une nouvelle dose de crédit d'impôt. Ce n'est pas efficace – preuve en est le fait que l'augmentation du rendement en trois ans n'a rien changé – et surtout les mesures que nous avons votées en PLFR3 n'ont apporté aucune réponse immédiate pour ce secteur d'activité.

L'avis est défavorable.

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