Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 15 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, mes chers collègues, les crédits de cette mission s'établissent à 115 milliards d'euros, soit 28,5 % des dépenses brutes. En 2018, les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État augmenteront sensiblement – 100 milliards d'euros, en hausse de 4,2 milliards d'euros par rapport à la prévision révisée pour 2017. Quant aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux, ils devraient s'élever à 15 milliards en 2018 – une hausse de 2,86 milliards sous l'effet de la création du nouveau dégrèvement de taxe d'habitation. Si l'on neutralise les restitutions de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises – la CVAE – désormais enregistrés dans le compte d'avances, l'augmentation est en fait plus importante.

Monsieur le ministre, mes remarques porteront sur deux sujets qui me paraissent particulièrement importants.

Ma première inquiétude concerne évidemment le risque financier associé aux contentieux fiscaux, qui a fortement augmenté ces dernières années. Comme je le rappelle dans mon rapport, la provision pour litiges fiscaux enregistrée entre 2012 et 2016 est passée de 12 milliards d'euros fin 2012 à 24 milliards d'euros fin 2016, soit un doublement en quatre ans seulement.

Lors de la discussion du premier PLFR pour 2017 – qui a été définitivement voté hier soir – , nous avions soulevé la question des intérêts moratoires, qui représentent un coût important et dont le taux, très élevé, est sans justification économique. Je me félicite que notre appel ait été entendu, puisque nous avons appris ce matin, dans le cadre de la présentation du deuxième PLFR pour 2017, qu'intérêts moratoires et intérêts de retard seraient divisés par deux au 1er janvier 2018, ce qui est une bonne chose.

En commission élargie, plusieurs propositions ont été formulées afin d'améliorer la gouvernance fiscale : un recours plus fréquent à la consultation de la Commission européenne, l'instauration de la consultation du Conseil d'État sur les amendements les plus importants, une utilisation plus active du contrôle de constitutionnalité. Ces initiatives sont louables, mais ne peuvent à elles seules nous prémunir des risques d'invalidation par la Cour de justice européenne ou par le Conseil constitutionnel.

Le rapport de l'inspection générale des finances publié ce lundi rappelle ainsi que la contribution additionnelle de 3 % avait été créée en 2012 dans un contexte juridique qui ne permettait pas d'anticiper la décision de la Cour de justice européenne de 2017 et que, si le risque de contrariété au droit de l'Union européenne est apparu sérieux dès 2015, une mise en conformité était techniquement délicate.

Il me paraît absolument nécessaire que le Parlement soit mieux informé des risques de contentieux occasionnés par des dispositifs fiscaux actuellement en vigueur ainsi que de leur coût potentiel sur les finances publiques.

L'article 104 de la loi de finances pour 2014, issu d'un amendement d'Eva Sas, prévoyait d'ailleurs un mécanisme d'information automatique du Parlement, tous les six mois, sur les lettres de mise en recouvrement et les avis motivés de la Commission européenne dans le cadre de la procédure de recours en manquement. Or, il n'a jamais été appliqué.

Le rapport de l'IGF souligne la nécessité de procéder à un inventaire des conséquences potentielles sur notre système fiscal des effets des jurisprudences de la Cour de justice européenne et du Conseil constitutionnel, et de réaliser chaque année une revue des risques juridiques et budgétaires associés aux contentieux fiscaux afin de mieux en informer le Parlement. C'est une excellente préconisation, dont j'espère qu'elle sera effective.

Ma deuxième remarque porte sur le deuxième programme, le 201, qui a trait aux dégrèvements d'impôts locaux, notamment au nouveau dégrèvement relatif à la taxe d'habitation. Ma position est claire, constante, et je l'ai exprimée plusieurs fois : l'intention de redonner du pouvoir d'achat aux Français est louable, mais la suppression de la taxe d'habitation me semble être une erreur, tout simplement parce qu'elle affaiblit le lien entre le citoyen et l'impôt. Si la taxe d'habitation est un impôt injuste – tout le monde le reconnaît – , c'est avant tout en raison des différences dans la détermination des valeurs locatives cadastrales. Ces bases sont utilisées pour la détermination de la taxe d'habitation, mais également de la taxe foncière ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères. Il aurait été plus pertinent, à mon sens, d'aller au bout du processus de révision des valeurs locatives.

Je me dois de pointer les travers de cette réforme. Les gains seront très inégaux selon les communes. D'après l'Observatoire français des conjonctures économiques, le gain moyen par redevable nouvellement exonéré peut aller, d'un département à un autre, de 387 à 814 euros. Rapporté au décile de niveau de vie, cet écart va même de 1 à 10 selon les départements !

Je m'inquiète également du nombre de contribuables qui, d'une année à l'autre, entreront dans le champ du dégrèvement ou en sortiront. Le dispositif de lissage a le mérite d'exister, mais il concernera moins de 2 % du nombre total de foyers, ce qui est peu.

De plus, cette réforme fragilise l'autonomie financière de nombre de collectivités. Dans les trois quarts des départements, la part de foyers qui continueront à acquitter la taxe d'habitation sera inférieure à 20 % – elle sera même de 11 % dans la Creuse ou de 12 % dans l'Orne, soit quatre fois moins qu'à Paris ou dans les Hauts-de-Seine.

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