Intervention de Xavier Paluszkiewicz

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 31 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaXavier Paluszkiewicz, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Notre contribution au budget européen en 2021 est estimée à 26,9 milliards d'euros, montant en progression par rapport à la loi de finances pour 2020, où elle était évaluée à 21,5 milliards d'euros. Face à la réflexion réductrice selon laquelle l'intérêt de l'appartenance à l'Union européenne se résumerait uniquement à la hauteur de la contribution du budget européen, il faut réaffirmer que la notion de solde net ne rend pas compte de tous les bénéfices indirects.

Cette augmentation des moyens en faveur de l'Europe, par-delà la covid-19, m'oblige à appeler votre attention sur les subtilités absconses de cette hausse budgétaire, afin d'éviter tout écueil. Elles sont motivées par quatre facteurs d'évolution.

Premièrement, la crise sanitaire actuelle a eu de graves répercussions économiques, face auxquelles l'Union européenne a montré toute son efficacité. Par sa compétence économique, elle a apporté de multiples réponses d'ampleur, notamment avec la mise en place d'un plan de relance européen inédit, Next Generation EU, sur lequel je reviendrai un peu plus tard.

Le deuxième facteur tient à l'unité et à la fermeté européennes face au Royaume-Uni dans la mise en oeuvre du Brexit. Celui-ci a entraîné une modification des règles de calcul de la contribution au budget européen au titre des engagements du CFP – cadre financier pluriannuel – 2014-2020, conformément à l'accord de retrait entré en vigueur le 31 janvier dernier.

Le troisième facteur concerne le Conseil européen de juillet dernier, qui a fixé de nouvelles règles de calcul des contributions nationales, lesquelles auront un impact sur la contribution française, compte tenu du maintien ubuesque des rabais en faveur de certains États membres.

Enfin, quatrième facteur, l'ambition portée par le nouveau CFP devrait se traduire dès 2021 par une augmentation de 10,6 milliards d'euros du budget.

Au vu de ce qui précède, la contribution française devrait atteindre en moyenne 28 milliards d'euros par an au cours de la période 2021-2027.

J'en reviens à l'année 2021, qui constituera un moment charnière à double titre.

D'une part, la concrétisation du Brexit signifie non seulement la perte d'un État membre, mais aussi celle du deuxième contributeur net, devant la France. À cet égard, la position française se veut ferme quant aux conditions de la future relation avec le Royaume-Uni : aucun statut dérogatoire en sa qualité d'ancien État membre ne pourra lui être reconnu. À la bonne heure !

D'autre part, l'année 2021 sera la première d'un nouveau cadre financier pluriannuel : le CFP 2021-2027, pour lequel un accord sans précédent a été trouvé lors du Conseil européen de juillet dernier. Je salue le travail accompli par les chefs d'État et de gouvernement afin d'aboutir à ce compromis. Si certains ont pu critiquer le fait que le CFP 2021 ait été moins ambitieux que celui proposé par la Commission, il ne faut pas oublier que son volume total représente près de 1,8 % du RNB – revenu national brut – , des vingt-sept États membres, contre environ 1,08 %, hors Royaume-Uni, pour le CFP 2014-2020.

Plus spécifiquement, je souligne que ce budget préserve plusieurs intérêts majeurs pour la France.

Le premier est la progression de l'enveloppe consacrée à la politique agricole commune : la PAC sera dotée de 386,7 milliards d'euros pour la période 2021-2027, soit une hausse de 22 milliards d'euros par rapport à la période actuelle. Rappelons-nous que la France a tenu à sanctuariser ce budget et que l'Union n'est pas un frein à la défense de nos intérêts nationaux – au contraire, à de nombreux égards, ils peuvent être largement complémentaires.

Deuxième intérêt, la composante environnementale sera renforcée avec un système de conditionnalités plus importantes pour les aides directes et l'instauration d'écorégimes soutenant les pratiques bénéfiques pour l'environnement et le climat.

J'insiste également sur la progression exponentielle du Fonds européen de la défense, qui enregistre une augmentation de 250 % par rapport au précédent CFP.

Le budget européen connaît – comme notre budget national, du reste – une particularité pour les prochaines années : l'effort de relance historique qui l'accompagne et le renforce au travers d'un plan spécifique. Rendez-vous compte que ce programme, qui a pour principe de préparer et de réparer l'avenir de l'Union, représente près de cinq fois le montant du traditionnel budget ! Ce plan de relance, qui sera assorti de 750 milliards d'euros, doit permettre à l'Union de se reconstruire dans le contexte de la pandémie de la covid-19 et de soutenir les investissements, notamment dans les transitions verte et numérique. Pour la France cela correspond à 40 milliards d'euros : comment ne pas souligner que notre pays en sera le troisième bénéficiaire ?

Cependant, personne n'ignore que budget ambitieux rime avec financement coûteux. C'est pourquoi j'aimerais finir en évoquant la réforme des ressources propres, mais également l'instauration de nouvelles ressources.

Le nouveau CFP franchit un pas important en prenant en considération, dès l'année prochaine, une nouvelle ressource : la contribution au titre des emballages plastiques non recyclés, qui a déjà été évoquée. Cette ressource devrait représenter un gain de l'ordre de 6 milliards d'euros pour l'Union européenne.

Ce n'est pas tout : dans son accord de juillet dernier, le Conseil européen a ajouté que l'Union s'efforcerait d'imaginer un nouveau panier de ressources propres dans les années à venir, dont les produits seront affectés au remboursement anticipé des emprunts requis par le plan.

À ceux qui prétendent qu'il suffirait d'annuler la dette, à ces vendeurs de repas gratuits qui avancent l'idée simpliste qu'il suffit de demander à la BCE – la Banque centrale européenne – de continuer à mettre de la dette à la disposition des États, puis de l'embaumer dans un sarcophage pendant cent ans, je réponds que cette option est tout simplement irréaliste.

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