Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du lundi 19 octobre 2020 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Article 31 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Je viens à cette tribune un peu amer, compte tenu de ce qu'il s'agit de décider par cet article du projet de loi de finances.

L'Europe dont il est question était déjà sous le choc du Brexit. Je n'en dis rien quant au contenu ; j'approuve l'humour de mon collègue Bourlanges sur le sujet, et j'en comprends l'esprit. Personne ne peut échapper aux conséquences de cet événement sur le Vieux Continent, en particulier sur la question des frontières, à propos desquelles il me semble que l'on est souvent trop désinvolte. Cette question se pose de nouveau en Irlande – entre l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud – , mais chacun sait que si, comme c'est prévisible et comme ils l'annoncent, les Écossais ne renoncent pas à leur projet d'indépendance, un problème similaire arrivera à l'horizon, compte tenu de la force d'entraînement que créé toujours ce genre de situation.

C'est un premier facteur de tension générale, et il s'exprime dans le budget. Le second est évidemment lié à la crise du covid-19 et à ses conséquences. Les décalages économiques se sont approfondis entre les nations, en particulier entre l'Allemagne et les pays qui la suivent dans le classement des puissances économiques, c'est-à-dire la France, en deuxième position, l'Italie, en troisième, et l'Espagne, en quatrième, tant et si bien que, comme l'a dit en commission le ministre Le Maire lui-même, le risque est grand qu'un tel décalage provoque l'éclatement de la zone euro, sans qu'aucun eurosceptique ou eurocritique n'y soit pour quoi que ce soit, mais simplement du fait même des dynamiques économiques à l'oeuvre.

C'est dans ce contexte qu'intervient le débat sur notre décision de participer au budget de l'Europe. Nous atteignons un record de paiement : 26,8 milliards d'euros. Jamais nous n'avons donné autant, et jamais nous n'aurons reçu aussi peu.

Je suis assez surpris qu'une de nos collègues – très estimable – fasse la liste des projets que, paraît-il, nous devons aux financements européens. Mais non ! Aucun projet n'est dû aux financements européens ; tous ont été engagés grâce aux finances de la France. Pourquoi ? Parce que la France est contributrice nette ; nous donnons plus que nous recevons. L'année dernière, nous avons donné 9 milliards de plus que ce que nous avons reçu ; cette année, nous allons encore verser 5 milliards supplémentaires. Alors admettez qu'en dehors de tout esprit de contradiction entre nous sur la question européenne, de tels décalages méritent débat et réflexion.

On le ferait pour n'importe quel autre sujet, mais il semble qu'ici, frappés par une sorte de religiosité en la matière, on ne puisse rien dire, sinon se réjouir encore et toujours davantage.

5 milliards d'euros de plus en un an. Depuis 2017, la contribution exigée des Français a augmenté de 54 %.

Les rabais sont l'une des explications du niveau de notre contribution. Le rabais, c'est seulement le signal de la faiblesse politique et géopolitique de la France dans les discussions qu'elle mène avec ses partenaires. Au début, pour des raisons qui nous échappent, nous avions décidé de payer pour les autres le rabais qui avait été concédé aux Anglais. Tout le monde était d'accord pour dire que c'était une absurdité, et le Président de la République lui-même a annoncé en février 2020 qu'il voulait mettre fin au rabais, qu'il qualifiait d'« archaïque, injuste et illisible ».

Pour que tous ceux qui nous écoutent comprennent bien, il s'agit de la part que la France paie à la place des autres, la part que les autres devraient payer mais que les Français acceptent de prendre en charge, afin de concourir à la générosité universelle de l'ensemble européen.

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