… bref, chaque fois que l'intelligence des salariés est relayée par le volontarisme politique, le renouveau industriel est au rendez-vous. Si, au contraire, le laisser-faire, le moins d'État et la vente à l'encan de nos fleurons donnent raison à ceux qui rêvent d'un pays sans usines, alors l'emploi industriel recule de 25 % en quinze ans.
Force est de regretter, comme mon rapport le détaille, qu'en baissant de 12 % les crédits consacrés à l'industrie, vous ne répondez pas à ces enjeux. J'espère que vous prendrez en compte notre volonté de donner ses moyens de fonctionnement au centre technique industriel papetier en acceptant nos amendements sur le sujet.
L'enjeu de ce rapport est modestement de vous convaincre que le déclin industriel n'est pas inéluctable, à condition de se donner les moyens d'évaluer les politiques publiques coûteuses et à l'efficacité relative, en particulier celle du CICE, pour les réorienter, et de lutter contre le dumping fiscal, social et environnemental. Ce rapport donne quelques pistes pour structurer durablement les filières industrielles. Cela implique de combattre la désertification des territoires, de mettre en place une politique de formation ambitieuse et d'impulser une nouvelle gouvernance des entreprises industrielles. Monsieur le ministre, il est urgent de trouver des moyens pour assurer la stabilité capitalistique de ces entreprises comme le font les Allemands. La financiarisation de l'économie bouscule nos industries. Des blocs de contrôle stables ont laissé une plus grande place à des investisseurs institutionnels, dont beaucoup d'investisseurs étrangers. Cela a généré des pratiques dommageables comme l'acceptation du LBO, qui représente une sur-rémunération du capital peu compatible avec des stratégies industrielles durables.
Questionné sur les moyens que l'État devrait déployer pour favoriser la stabilité capitalistique, Benjamin Griveaux répond qu'il faudrait mettre en place une fiscalité favorable au capital. Un raisonnement un peu juste quand on sait que 120 de nos plus grandes entreprises sont susceptibles de faire l'objet d'une OPA, amicale ou non ! J'espère que la prochaine commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les récentes fusions d'entreprises industrielles permettra d'identifier des leviers plus efficaces et profitant à l'ensemble du corps économique et social du pays.
Modifier la gouvernance des entreprises et leurs mécanismes de financement est une nécessité. Bpifrance pourrait devenir l'outil financier de cette politique industrielle. Les investissements étrangers pourraient être mieux contrôlés. Les salariés pourraient davantage peser dans les orientations stratégiques pour qu'un vrai dialogue économique s'établisse au sein des entreprises. En attendant, monsieur le ministre, je crains que le ministère du redressement productif, inefficace faute d'avoir armé l'État, laisse place aujourd'hui à un ministère du renoncement productif à force de continuer à le désarmer. Pour ces raisons, j'émettrai un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Économie » relatifs à l'industrie.