Nous avons effectivement adopté l'année dernière, dans la LFSS, une disposition imposant la constitution de stocks de médicaments. J'y étais très favorable en tant que rapporteur général et je n'ai pas changé d'avis. Un projet de décret est en cours d'examen devant le Conseil d'État afin que ce dernier se prononce sur les conditions d'application du dispositif, et ce texte a également été transmis à la Commission européenne.
Il est fondamental que la mesure qui sera mise en oeuvre soit proportionnée. Je me suis entretenu cette semaine, à deux reprises, avec la Commission européenne. Or celle-ci m'a fait savoir que, si la France dépassait les limites acceptables, notamment en matière de droit de la concurrence, elle lui adresserait une lettre de mise en demeure. Il ne s'agit pas là d'un risque juridique abstrait, mais d'un fait. Les discussions se poursuivent sur le contenu du décret et sur les dispositions que nous pourrons y intégrer pour qu'il soit conforme au droit européen, et ce n'est pas simple.
Ensuite, il existe des raisons de fond pour lesquelles un stock de quatre mois minimum ne peut pas être constitué pour tous les médicaments.
D'abord, pour 20 % des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, nous disposons déjà, grâce à l'action déterminante menée par les députés l'année dernière et après décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – l'ANSM – , d'un stock d'au moins quatre mois, et la liste des médicaments concernés est régulièrement révisée. Le décret, lorsqu'il paraîtra, sera réexaminé un an après sa publication, afin de vérifier s'il reste proportionné et équilibré et de le faire évoluer si nécessaire.
D'autres problèmes tiennent aux médicaments eux-mêmes : si nous inscrivions dans la loi l'obligation de conserver, quoi qu'il arrive, tous les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur dans des quantités suffisantes pour couvrir au moins quatre mois d'utilisation, je ne sais pas comment nous gérerions les stocks de gaz médicaux, de certains vaccins, de certains traitements de l'asthme ou encore de certains traitements antiallergiques, qui ne se conservent pas aussi longtemps.
À introduire une trop grande rigidité dans la loi par l'adoption d'un tel amendement, nous nous exposerions à une procédure européenne et nous risquerions, à mon sens, de perdre tout le bénéfice du dispositif adopté l'année dernière, en passe d'être mis en application grâce au décret. Nous serions par ailleurs contraints de stocker durant quatre mois des médicaments dont certains ne peuvent pas être conservés aussi longtemps, en raison de leurs caractéristiques biologiques intrinsèques.
Pour toutes ces raisons, l'avis est défavorable.