Intervention de Jean-Paul Mattei

Séance en hémicycle du jeudi 16 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au regard des missions et des programmes qui viennent d'être présentés, le compte d'affectation spécial – CAS – « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » vous paraîtra, au premier abord, secondaire. De fait, le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de fixer ses dépenses et ses recettes à quelque 581,7 millions d'euros en crédits de paiement. Cette dotation diminue de 0,56 % par rapport aux prévisions pour 2017, et sa part régresse : en 2018, elle ne représentera que 7,46 % des ressources consacrées aux dépenses immobilières au sein du budget général.

Pour autant, on ne doit pas nécessairement juger les instruments budgétaires à l'aune des dépenses qu'ils autorisent. Comme vous le savez, le CAS inclut les dépenses d'investissement et de fonctionnement en rapport avec des opérations immobilières ou d'entretien du propriétaire réalisées par l'État. Il pourvoit également aux dépenses d'investissement et de fonctionnement qui correspondent à des opérations de cession, d'acquisition ou de construction d'immeubles du domaine de l'État. Enfin, depuis la suppression du programme 309, il finance des opérations d'entretien du propriétaire réalisées par des établissements publics ou d'autres opérateurs de l'État.

Par le périmètre de ses interventions et son financement, le CAS se présente ainsi comme un des outils de l'affirmation d'une véritable politique interministérielle qui doit inciter les administrations et les opérateurs à atteindre deux objectifs : d'une part, la rationalisation du patrimoine immobilier de l'État et de ses opérateurs ; d'autre part, une gestion efficace et économe du parc. Mon rapport donne acte des progrès accomplis grâce aux impulsions renouvelées de la direction de l'immobilier de l'État.

Pour autant, les déplacements que j'ai réalisés en Nouvelle Aquitaine puis en Bretagne, autant que l'audition de nombreux responsables ministériels, me portent à croire que le CAS ne saurait à lui seul satisfaire l'ambition qu'exprime l'édification d'une véritable politique immobilière de l'État. Celle-ci appelle une action résolue et ne saurait se réduire à des considérations exclusivement budgétaires. C'est la raison pour laquelle, au terme de mes travaux, je conclus à la nécessité de dépasser les premiers acquis et tiens à appeler la vigilance des pouvoirs publics sur plusieurs enjeux essentiels à l'approfondissement d'une politique publique à part entière.

Le premier enjeu réside évidemment dans l'équilibre du CAS. Certes, l'intégration de l'ancien programme 724 « Opérations immobilières déconcentrées » au programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » favorise la simplification des circuits budgétaires et comptables. Mais le projet de loi de finances pour 2018 prend surtout acte de la baisse attendue du produit des cessions immobilières. La cible retenue, à savoir 491,7 millions d'euros, paraît cohérente avec les recettes dégagées au cours des derniers exercices et avec la raréfaction des biens aisément cessibles dans un marché immobilier moins porteur. Ce constat ne peut qu'inciter à une réflexion sur l'usage des redevances domaniales, dont le produit attendu – 90 millions d'euros – croît de 5,88 % dans le projet de loi de finances qui nous est proposé.

Le deuxième enjeu tient à la capacité d'entretenir et de faire évoluer le parc immobilier de l'État, un patrimoine hétérogène appelant des opérations récurrentes de mise aux normes et de mise en accessibilité. Cela soulève la question des ressources affectées à l'entretien de nos actifs, alors que les crédits relatifs à la maintenance des bâtiments baissent de 1,68 %, mais cela nous conduit également à nous interroger sur la préservation des compétences en matière d'ingénierie « bâtimentaire ».

Le troisième enjeu porte également sur les moyens : il touche au positionnement de la direction de l'immobilier de l'État et aux ressources dont disposent les services déconcentrés chargés de la politique immobilière à l'échelon local. Faut-il rattacher la direction de l'immobilier de l'État au ministre chargé du domaine ? Comment conforter les effectifs de l'ensemble des services régionaux de l'État contribuant à la gestion de son patrimoine ? Autant de questions auxquelles nous devrons répondre.

Le dernier enjeu me semble être le plus décisif : il s'agit, au sens large, de la valorisation du patrimoine immobilier des personnes publiques. Sous cette expression un peu large, j'inclus d'abord toutes les questions que peut inspirer la décote autorisée par la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public. Nul n'ignore les critiques qui entourent l'utilisation de ce dispositif. À tout le moins, j'estime qu'il nous appartient d'en garantir un usage plus proportionné sur le territoire des collectivités territoriales dotées d'une forte capacité d'autofinancement.

Ensuite et surtout, l'optimisation du patrimoine immobilier de l'État ne saurait se réduire à la seule alternative entre le maintien de l'occupation des biens par ses services ou leur vente. De mon point de vue, l'intérêt de l'État est de recourir plus fréquemment à des dispositifs qui, tels les baux emphytéotiques, les baux à construction ou d'autres instruments juridiques, lui permettent de conserver la propriété de ses biens tout en favorisant leur exploitation par des investisseurs, et ainsi de percevoir des loyers annuels récurrents.

Je l'ai dit, la politique immobilière de l'État s'affirme aujourd'hui comme une politique publique à part entière. Il nous appartient de lui donner aujourd'hui – notamment dans la dernière phase de l'élaboration des schémas directeurs régionaux – une véritable feuille de route et d'en perfectionner les outils. Dans ce contexte, je voterai, bien évidemment, les crédits de la mission.

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