Intervention de Émilie Chalas

Séance en hémicycle du jeudi 16 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs spéciaux et pour avis, chers collègues, en tant que rapporteure pour avis sur les crédits du programme « Fonction publique » au nom de la commission des lois, je souhaite concentrer mon intervention sur la stratégie de pilotage et de transformation des services publics et de la fonction publique pour la période s'étendant de 2018 à 2022.

La question n'est plus de savoir si le périmètre actuel des missions de service public est toujours adapté, mais bel et bien de déterminer celles que nous jugeons prioritaires pour y concentrer les moyens, et de se demander quelle structure est la plus légitime ou la mieux placée pour exercer ces missions. La question de l'enchevêtrement des compétences m'apparaît cruciale si l'on veut assurer un service de qualité à meilleur coût. Dans mon rapport pour avis, je donne plusieurs exemples mettant en évidence que, pour une même politique publique mise en oeuvre dans un département, plus de quinze, voire trente, acteurs différents sont conduits à intervenir pour répondre aux usagers. Je formule trois propositions pour rationaliser ces situations.

Une fois ce travail achevé – et seulement après – , il conviendra d'en tirer les conséquences sur les effectifs et l'évolution de la masse salariale de la fonction publique, notamment au regard de l'objectif, fixé par le Président de la République, de réduire d'environ 120 000 le nombre d'agents publics d'ici à 2022. C'est tout l'objet du processus « Action Publique 2022 », lancé par le Premier ministre le 13 octobre dernier. Outre l'ambition d'une méthode innovante pour transformer l'administration publique du point de vue de l'usager, de l'agent public et du contribuable dans un sens positif, ce processus s'accompagne d'un fonds doté de 700 millions d'euros sur cinq ans pour financer les moyens de cette transformation, dans le cadre du Grand Plan d'investissement.

Je salue d'ailleurs l'engagement du Gouvernement de mieux associer aux travaux de CAP22 les parlementaires comme les principaux gestionnaires de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière, conformément à la première proposition de mon rapport pour avis.

Il me semble important de souligner que le succès du processus de transformation de nos services publics suppose de s'appuyer sur différents leviers de conduite du changement et d'éviter, ainsi, de tomber dans des écueils relatifs à l'appréciation des efforts à fournir par chaque versant de la fonction publique en termes de réduction des effectifs et de la masse salariale. Je tiens à rappeler notamment que l'évolution tendancielle des effectifs entre les trois versants de la fonction publique s'est inversée depuis 2015. Alors que les fonctions publiques hospitalière et territoriale ont connu un rythme de croissance de leurs effectifs élevé entre 2005 et 2015, contrairement à la fonction publique d'État, la situation s'est inversée depuis deux ans : les effectifs commencent à baisser dans les collectivités territoriales et le rythme de croissance des effectifs hospitaliers et médico-sociaux a été divisé par deux, tandis que celui de l'État est très nettement reparti à la hausse en 2016 et 2017.

En dépit de ces efforts, la masse salariale dans les trois versants de la fonction publique a continué de croître en raison de mesures générales – augmentation du point d'indice ou encore parcours professionnels, carrières et rémunérations. La réduction des effectifs de la fonction publique ne peut donc pas être une fin en soi, mais doit nécessairement être liée avec un objectif de réduction de la masse salariale publique. Elle doit également être conduite finement, car les marges de manoeuvre ne sont pas les mêmes au sein de chaque administration. Dans les collectivités territoriales en particulier, la démarche de contractualisation proposée par le Gouvernement pour réduire leurs dépenses de fonctionnement est particulièrement pertinente de ce point de vue. Je propose d'ailleurs d'en profiter pour les conduire à agir également sur la durée du travail, afin d'atteindre les 1 607 heures annuelles et de réaliser ainsi des économies. J'estime également que nous devrons procéder à une évaluation des récentes réformes territoriales pour poursuivre la simplification de notre mille-feuille territorial avant la fin du quinquennat.

Enfin, si nous voulons réellement transformer l'action publique et redéfinir le périmètre des missions de service public, il me semble indispensable d'associer, le plus en amont possible, l'ensemble des agents publics. Le défi est colossal car si l'on en croit les résultats d'une enquête menée le 10 octobre 2017, les agents publics souffrent d'un manque de reconnaissance auquel la seule réponse apportée, quand elle existe, est d'ordre salarial. Cette enquête révèle malheureusement l'insuffisance majeure de la gestion des ressources humaines dans les trois versants de la fonction publique.

Je formule donc plusieurs propositions qui poursuivent trois objectifs. Le premier est la reconnaissance de la contribution des agents publics à la création de la richesse nationale grâce au service public rendu : il convient, à cette fin, de cesser d'opposer le secteur public au secteur privé. Le deuxième est le réinvestissement politique de la question des ressources humaines : au sein de la fonction publique de l'État, la récente reconnaissance de la DGAFP – Direction générale de l'administration et de la fonction publique – comme « DRH de l'État » doit maintenant se concrétiser. Dans les autres versants, l'encadrement intermédiaire doit être renforcé et les managers doivent disposer de meilleurs outils permettant d'activer des leviers de motivation et de reconnaissance de leurs agents. Le troisième objectif est l'amélioration de la qualité de vie au travail et de la formation des agents publics.

Dans ce cadre, il faut avant tout que cesse en France le « fonctionnaire bashing ». Ensuite, le dispositif du jour de carence proposé par le Gouvernement pourrait être amélioré pour ne viser que les comportements abusifs, d'une part, et préserver les femmes agents publics enceintes, d'autre part. Enfin, des actions concrètes pourraient être facilement engagées pour créer des bassins territoriaux de la formation et de l'emploi publics et favoriser la mobilité choisie plutôt que subie. Je vous renvoie aux douze propositions de mon rapport pour avis.

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