Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 16 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment où les Paradise papers ont révélé l'importance de soumettre les entreprises, les multinationales et les particuliers les plus aisés à un contrôle plus approfondi, le Gouvernement décide d'opérer une casse drastique des services économiques, douaniers et fiscaux de l'État. S'agit-il de cynisme ou d'inconséquence ? Nous nous posons encore la question.

Face à l'insincérité du budget présenté et au jeu comptable auquel se prête le Gouvernement qui, en annulant des crédits dans différentes missions, procède à un report de charges sans précédent, nous ne pourrons pas voter les crédits de cette mission.

Dans les faits, les crédits ont diminué de 120 millions d'euros. Certes, à cause du jeu comptable dont j'ai parlé, le budget de la mission semble augmenter d'environ 600 000 euros. Mais en réalité, les annulations de crédits représentent 18,6 millions d'euros sur le programme « Fonction publique », 76,5 millions d'euros sur le programme « Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local » et 25 millions d'euros sur le programme « Facilitation et sécurisation des échanges ». Au total, au niveau de la mission, ce sont donc 70 millions d'euros de dépenses de personnel qui sont ainsi coupés.

Les différentes administrations ont déjà été saignées : elles ont perdu plus de 22 % de leurs effectifs, passant de 187 500 à 145 000 agents fin 2015. Les services des finances publiques ont perdu, à eux seuls, 35 000 postes en 2016. En 2018, cette baisse continue, avec une diminution de 1 600 équivalents temps plein.

Ce que nous retiendrons de ce budget, c'est que le Gouvernement ne se donne pas les moyens de mettre fin à l'évasion fiscale et qu'il ne s'engage pas fermement dans la traque des délinquants financiers.

Monsieur le ministre, quand je vous ai posé cette question en commission élargie, vous avez répondu que les agents financiers ne fraudaient pas par nature et qu'il fallait leur faire confiance. Bien que nous soyons touchés par cette forme de candeur, nous sommes surpris qu'une semaine plus tard, alors que les Paradise papers ont révélé l'ampleur du phénomène de l'évasion fiscale, vous vous entêtiez à démanteler des services entiers. Malgré les déclarations d'intentions entendues ces dernières années, notamment dans cet hémicycle, sur ces questions, les actes ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Vous nous avez également expliqué, monsieur le ministre, que les services publics devaient s'adapter aux nécessités, qu'à ces nécessités ne correspondaient pas de besoins financiers, et que nous pouvions, par une réorganisation des services, aboutir à une administration efficace. Face à cette réponse, nous peinons à dissimuler notre surprise, si ce n'est notre colère. Par nature, une réorganisation de services coûte énormément d'argent. De même, la mise en place de processus dématérialisés de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales coûte une fortune ; elle nécessite évidemment des personnels formés, nombreux, capables de s'adapter aux changements que vous prônez, d'ailleurs, sans nous donner de détails suffisamment précis.

Vous refusez donc de mettre en place une politique volontariste. Si vous diminuez le service public de l'impôt, vous ne faites que favoriser les contribuables les plus fortunés et les grandes firmes multinationales qui, eux, peuvent se payer les conseils d'avocats fiscalistes et bien comprendre le fonctionnement d'un droit fiscal particulièrement cryptique et difficile d'accès.

Nous sommes stupéfaits, monsieur le ministre : en refusant de doter ces services de moyens supplémentaires, vous indiquez que la justice fiscale et l'égalité devant l'impôt ne sont pas vos priorités. Vous indiquez aux fraudeurs et aux fraudeuses qu'ils pourront, en toute impunité, continuer à échapper à l'impôt. Ainsi, le Gouvernement accepte de ne pas défendre l'État français, ses services publics, ses hôpitaux, ses écoles, auxquels on demande pourtant de faire des efforts constants alors qu'ils sont littéralement saignés puisque vous refusez justement d'aller chercher l'argent des délinquants fiscaux.

Monsieur le ministre, ce budget est absolument révélateur du programme que vous mettez en oeuvre : profiteurs et profiteuses partout, justice sociale et fiscale nulle part. Voilà pourquoi le groupe La France insoumise votera contre ce budget.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.