Intervention de Jean-Paul Dufrègne

Séance en hémicycle du jeudi 16 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Dufrègne :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, que l'on appelle cela « révision générale des politiques publiques » ou « modernisation de l'action publique », ce sont les mêmes principes qui ont été appliqués à la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » depuis 2007 : une dégradation constante des conditions de travail des agents en lien avec des coupes budgétaires fréquentes et des suppressions massives de postes, que ce soit à la DGFIP ou dans l'administration des douanes.

Depuis 2002, près de 40 000 postes ont été supprimés à la DGFIP. Environ 1 200 trésoreries ont été fermées, dont plus de 600 depuis 2009, éloignant le contribuable du service public et faisant fi du maillage territorial nécessaire à la population. La logique est identique pour les douanes : en dix ans, plus de 3 000 postes ont été supprimés et de nombreux services ont disparu.

En coupant ainsi dans les crédits de cette mission, l'État se désengage de ses missions régaliennes au sein du ministère de l'économie et des finances.

Comme le rappelle le rapport OXFAM, selon les derniers calculs effectués par des chercheurs de l'université de l'ONU, la France est le pays de la zone euro qui perd le plus du fait de l'évasion fiscale des grandes entreprises. Ce sont ainsi au moins 20 milliards d'euros qui échappent chaque année à l'État français à cause de l'optimisation fiscale des grandes entreprises, soit plus des deux tiers des recettes fiscales de l'impôt sur les sociétés en 2016. La fraude et l'évasion fiscales coûtent, quant à elles, de 60 à 80 milliards d'euros par an à l'État.

Les outils juridiques sont faibles pour lutter contre l'évasion fiscale des grandes entreprises. Dans un contexte où plus de la majorité des échanges commerciaux se déroulent désormais entre les filiales d'une même entreprise, notre système fiscal ne semble plus adapté à l'économie actuelle. Les grandes entreprises sont alors les grandes gagnantes de ce tour de passe-passe fiscal.

Il en va de même pour les services de l'État, dont il faudrait renforcer la formation pour leur permettre de faire face à ceux qui ont les moyens de se payer des armadas de juristes et de fiscalistes pour échapper à l'impôt sur notre territoire. L'actualité des « Paradise Papers » et d'autres affaires du même genre mettent en lumière la nécessité de renforcer les moyens de l'État.

Bien sûr, le Gouvernement nous répondra que, pour 2018, les effectifs connaîtront une légère progression : 240 postes seront créés, dont 200 pour préparer le rétablissement d'une frontière douanière avec le Royaume-Uni dans la perspective de son retrait de l'Union européenne. Certes, mais les créations annoncées sont, précisément, liées principalement au Brexit et on sait déjà qu'elles seront insuffisantes à court terme, d'autant plus que, quasiment partout sur le territoire, les services sont déjà en situation de sous-effectif chronique.

Dans les faits, les suppressions vont bien continuer dans les services chargés des opérations commerciales et de la surveillance un peu partout sur le territoire, alors que les enjeux sont majeurs pour lutter contre le terrorisme, mettre en oeuvre le Brexit, vérifier les marchandises dans un contexte de mondialisation, sécuriser les citoyens sur tous les territoires, y compris ultra-marins, garantir les recettes fiscales de l'État, accompagner les entreprises et lutter contre la fraude et les trafics.

Voilà bien, monsieur le ministre, l'incohérence et la contradiction qui existent entre les bonnes intentions affichées par le Gouvernement et le budget que vous présentez pour cette mission. On les retrouve dans la gestion des ressources humaines des services, désormais fusionnés, du Trésor et des impôts.

Comment imaginer le renforcement des relations dématérialisées entre l'usager et les services des finances publiques et la mise en oeuvre du prélèvement à la source, ou comment ambitionner de rendre plus efficiente la politique immobilière de l'État en continuant à supprimer des services ou en fermant encore, comme annoncé, 800 nouvelles trésoreries dans les trois ans à venir. L'État manque d'autant plus à ses obligations quand il réduit les horaires d'accueil du public ou, comme il le fait par exemple dans la circonscription dont je suis élu, à Lurcy-Lévis, n'ouvre la perception que quelques heures par semaine, avec des agents non formés qui viennent spécialement du site central prendre leur tour de garde, pour que l'État continue de nous faire croire qu'il maintient un service local.

Les moyens de cette mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » ne sont pas seulement inquiétants, ils sont infondés dans le contexte actuel. Ce gouvernement laisse encore plus de nos concitoyens sur le bas-côté, et pas seulement les plus fragiles d'entre eux. Il met à mal les territoires et leur cohésion sociale.

Pour ces raisons, les députés du groupe GDR ne voteront pas les crédits de cette mission.

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