Intervention de Muriel Ressiguier

Séance en hémicycle du lundi 26 octobre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMuriel Ressiguier :

Madame la ministre, en commission des affaires culturelles et de l'éducation, le 20 octobre dernier, vous avez déclaré : « Je suis fière de vous présenter cette année un budget tout à la fois renforcé, ambitieux et résolument tourné vers l'avenir. » Nous pensons, au contraire, que ce budget n'est pas à la hauteur et ne permettra pas de faire face aux enjeux à venir. Dans un tweet du 9 septembre 2020, vous avez écrit : « Nous ne marquerons le XXIe siècle qu'à la condition de donner enfin à notre recherche la considération qu'elle mérite. » Jusqu'à présent, hélas, vos actes sont rarement en adéquation avec vos mots.

Dans les faits, vous limitez la liberté des chercheurs et confortez le système des appels à projets, au détriment des crédits récurrents, alors que la communauté scientifique demande à ce qu'ils soient significativement augmentés. Ainsi, les crédits du programme 172 progressent de 3,2 %, mais le principal bénéficiaire en est l'ANR. Selon vous, l'augmentation du budget de l'ANR permettra de répondre positivement à 30 % des candidatures aux appels à projet. Ces financements continueront donc de profiter à une minorité d'établissements, ce qui ne semble pas vous poser de problème. À l'heure actuelle, une vingtaine d'universités captent 80 % des financements de l'ANR, sans surprise les universités les plus prestigieuses. Vous choisissez de conforter ce système, qui organise la compétition entre les établissements.

Vous annoncez un recrutement de 700 ETPT, avec un plafond d'emplois stable du fait du redéploiement d'emplois non pourvus, mais vous oubliez de préciser que ces subventions pour charge de service public ne permettent pas de les financer, si bien que les postes ne pourront pas être pourvus. Le nombre des ETPT sous plafond du CNRS diminue, avec 41 emplois en moins, alors que celui d'emplois hors plafond augmente, avec 485 ETPT en plus. Ces emplois concerneront notamment les fameux CDI de mission et les chaires de professeurs juniors. Il s'agit donc bien de supprimer des postes de fonctionnaires pour les remplacer par des contrats précaires ; la communauté scientifique appréciera sans doute ces hautes marques de considération.

Lors de votre conférence de presse du 15 septembre 2020, vous avez dit qu'il était nécessaire de « redoubler les ambitions » et d'« amener chaque étudiant à la réussite ». Comment ne pas souscrire à de tels propos ? Pourtant, dans les faits, vous poursuivez la politique de sélection dans l'enseignement supérieur, ce qui aggrave les inégalités d'orientation. Vous remettez ainsi en cause la démocratisation de l'enseignement supérieur. Cette année, alors qu'il y avait 57 700 étudiants supplémentaires selon le ministère, seulement 21 500 places supplémentaires ont été créées. Parcoursup laisse chaque année plus d'étudiants sur le carreau. L'accès en master devient, lui aussi, de plus en plus difficile : les saisines du rectorat ont bondi de 126 % à la rentrée. Selon l'UNEF, 9 000 candidats en master se sont retrouvés sans affectation à la rentrée de 2020. Le déterminisme social, déjà à l'oeuvre à l'université, est ainsi renforcé. Selon le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, seulement 12,1 % des enfants d'employés et 9,2 % des enfants d'ouvriers accèdent au master.

En désespoir de cause, un étudiant de Montpellier, Mehdi Ben Youssef, est entré en grève de la faim et de la soif il y a plusieurs semaines. Bien que sa situation se soit réglée grâce à Guylain Clamour, doyen de la faculté de droit de Montpellier, d'autres étudiants mobilisés se sont rassemblés à plusieurs reprises devant le rectorat. À ce jour, un syndicat en a recensé plus d'une centaine dans le même cas. Le doyen de la faculté de droit a déclaré dans la presse : « Si nous avions plus de moyens, nous pourrions ouvrir de nouveaux masters et en dédoubler certains pour, au moins, être en capacité de permettre aux étudiants qui ont réussi leur licence de continuer. » Mais vous choisissez de laisser se dégrader l'enseignement supérieur public, au profit de l'enseignement privé, qui bénéficie, lui, d'une hausse significative de ses crédits.

L'augmentation des bourses de 1,2 % et l'instauration du ticket I à 1 euro sont appréciables, mais elles ne permettront pas aux étudiants de faire face à la précarité grandissante, dont vous ne semblez décidément pas prendre la mesure.

Alors qu'un tiers des étudiants renoncent aux soins, vous diminuez de 300 000 euros les crédits alloués à l'action 03 « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives » du programme 231 « Vie étudiante ». Vous n'envisagez pas d'attribuer les bourses sur douze mois au lieu de dix, comme le demandent les organisations étudiantes, ni d'augmenter le nombre de logements gérés par les CROUS, alors que le logement constitue un problème criant pour les étudiants.

Vous l'aurez compris, en l'état, nous ne voterons pas le budget alloué à la MIRES, la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur ». Nous espérons que les débats ne seront pas bâclés, comme ils l'ont été lors de l'examen du PLPPR, et que nous pourrons enfin discuter de nos différences idéologiques, argument contre argument, dans un esprit d'écoute et de respect de chacun.

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