Pendant que vous présentiez vos sous-amendements, monsieur Ruffin, nous étions en train de nous demander si c'était bien ou non d'introduire la notion de dignité au sujet des revenus de personnes exerçant un métier. En l'occurrence, votre premier sous-amendement propose de supprimer le mot « attractivité » pour le remplacer par le mot « dignité ». Sur ce point, nous pourrions engager un long débat sémantique – pour ma part, j'ai tendance à considérer que la notion d'attractivité surplombe la notion de dignité – , mais je crois qu'en fait, nous sommes tous d'accord pour estimer que les métiers du domicile ont longtemps été sous-valorisés et sous-reconnus en termes sociaux et financiers.
Les quelques déplacements que j'ai effectués chez des personnes âgées durant le confinement m'ont permis de constater que les aides à domicile ont toujours été là, fidèles au poste, pendant cette crise sanitaire qui a sans doute été la plus terrible de notre histoire contemporaine. Ce sont des travailleurs pauvres, les aides à domicile. Il ne faut pas avoir peur de le dire, il ne faut pas utiliser d'autres mots : ce sont des travailleurs pauvres. Certes, certaines de ces personnes travaillent sous un statut qui leur permet de gagner correctement leur vie mais, dans l'immense majorité des cas, les aides à domicile sont des travailleurs pauvres.
Et si ce sont des travailleurs pauvres, c'est parce que ce sont surtout des femmes, il faut aussi le dire. Autrefois, le travail des femmes était assez peu répandu en France ainsi que dans d'autres pays. Quand les femmes ont aspiré à travailler, notamment après la Seconde Guerre mondiale, on s'est demandé ce qu'on pourrait leur donner à faire, et on leur a dit : « Puisque vous vous occupez des enfants et de votre famille, eh bien les métiers du soin sont faits pour vous : vous allez devenir aides-soignantes, infirmières, aides à domicile, auxiliaires de vie scolaire. » C'est ce qui explique qu'aujourd'hui encore, il y ait plus de 85 % de femmes dans les métiers du soin – hors médecins – et c'est également ce qui explique, historiquement, que ces métiers soient sous-payés… Il ne faut pas laisser croire que ces métiers-là ne seraient sous-payés que depuis quelques années. En réalité, cette situation est historique : cela fait trente ans, quarante ans, cinquante ans que ces métiers sont sous-payés !
L'amendement défendu par Brigitte Bourguignon est fondamental. Il faut le voir comme une première pierre, et non comme un solde de tout compte – sur ce point, vous avez raison, monsieur le député. C'est une première pierre solide, d'autant que la mesure proposée va se trouver amplifiée par l'action des départements, et qu'en fin de compte, il ne s'agira pas simplement de 25 euros par mois, mais sans doute de deux ou trois fois plus. Cela ne suffit pas, c'est vrai, et nous devrons aller plus loin : pour cela, la future loi grand âge et autonomie permettra de revaloriser encore davantage ces métiers.
Aux termes des accords du Ségur, les métiers du soin – ce qu'on appelle également le care – , qui représentent 1,7 million de salariés constitués à 85 % de femmes, vont bénéficier d'une revalorisation pour un montant global de plus de 8 milliards d'euros par an. C'est la plus forte réduction d'écart de revenus entre les hommes et les femmes de toute l'histoire de notre pays, et c'est ce que vous vous apprêtez à voter – à l'instant pour les aides à domicile, tout à l'heure pour les soignants. Une telle mesure, ça compte, et c'est juste !