La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du budget 2021 paraît malheureusement bien timorée au regard des défis qu'il va nous falloir relever dans les mois qui viennent.
Il y a bien sûr la conjoncture, le contexte de cette crise terrible qui frappe l'ensemble des secteurs et n'épargne pas l'agriculture, mais également un problème structurel qui va demander des adaptations importantes à nos agriculteurs, lesquels devront donc être accompagnés et fortement soutenus par l'État. Derrière la froideur implacable des chiffres de ce budget pour 2021 se cache la volonté – ou l'absence de volonté – d'être aux côtés de ceux qui nous nourrissent, qui prennent soin de nos paysages, qui exportent, qui créent ou maintiennent des emplois, qui exercent une activité majeure dans nos campagnes. S'agissant de volontarisme politique, monsieur le ministre, je ne doute pas de votre sincère envie d'être aux côtés de nos paysans. Vos prises de position courageuses durant ces dernières semaines, vos racines familiales normandes, et même ornaises, votre présence sur le terrain plaident en ce sens.
Toutefois, autant votre engagement personnel est rassurant, autant ce budget l'est beaucoup moins. Au-delà des lignes de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement, un budget de l'agriculture constitue avant tout l'expression sonnante et trébuchante de la volonté de l'État et du Gouvernement de décliner une stratégie claire au profit de celles et ceux qui assurent notre subsistance, notre sécurité alimentaire au quotidien.
Premier constat, le budget 2021 est en baisse si l'on considère les autorisations d'engagement, c'est-à-dire la capacité d'envisager des soutiens à notre agriculture, qui en a plus que jamais besoin. Certes, les crédits de paiement augmentent, mais ils ne font que reprendre des engagements de décaissement pris au cours des dernières années.
Deuxième constat, nous partageons les objectifs que vous affichez dans cette mission : combiner les performances économique et environnementale des exploitations agricoles, filières agroalimentaires et forestières ; investir dans les territoires ruraux et les filières d'avenir ; prévenir les risques sanitaires et réagir face à eux ; encourager et accompagner l'installation des jeunes et le renouvellement des générations en misant sur la formation et l'innovation.
Le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » est le plus touché : il connaît une diminution de près de 5 % par rapport au budget 2020. C'est d'autant plus grave qu'il représente à lui seul 58 % du budget de la mission ainsi que les principales dépenses à destination des différents acteurs de la filière. Ce programme englobe les dispositifs comptant parmi les plus importants pour le monde agricole. Il prévoit en particulier le cofinancement national des mesures de développement rural de la PAC, avec notamment le soutien à l'élevage dans les zones soumises à des contraintes naturelles, à l'installation des jeunes agriculteurs et aux mesures agro-environnementales.
S'agissant de la PAC, la stabilisation faciale, en euros courants, du budget pour la période 2023-2030 est la bienvenue, un réel soulagement parmi les filières en témoigne. Néanmoins, elle ne permet pas de dissiper les incertitudes quant à son application concrète s'agissant d'éco-conditionnalité, de seuils de dégressivité et de plafonnement, qui pourrait lourdement affecter les exploitations les plus modernes et les plus performantes.
Vous le savez, le secteur agricole traverse depuis de nombreuses années de profondes difficultés, qui se sont encore accrues avec la crise sanitaire actuelle. Je crains que le budget 2021 ne soit trop faible pour répondre aux défis qui se présentent à nous dans un contexte général tendu et un contexte agricole particulièrement préoccupant : conséquences dramatiques des sécheresses vécues au cours des trois derniers étés ; nouvelles charges et contraintes imposées par la loi EGALIM ; incertitudes quant au maintien des exonérations de charges pour les travailleurs saisonniers agricoles ; régionalisation à marche forcée des chambres d'agriculture, qui s'éloignent du terrain ; évolution préoccupante du commerce agricole international avec l'embargo russe, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine ou encore les accords commerciaux de l'Union européenne ; enfin, prix du lait décevant et prix de la viande totalement déconnecté du prix de revient.
Le mirage EGALIM, que nous avions annoncé, se vérifie chaque jour ; il est vécu par nos paysans comme une désillusion et une injustice.