Cela faisait des années que le budget de la justice n'avait enregistré une telle hausse : 8 % pour 2021. La justice a un besoin criant de moyens et un budget comme celui-ci est un préalable indispensable à toute action efficace et humaine au plus près des justiciables, au coeur des territoires. Il s'agit d'un signal fort et concret pour le monde de la justice et pour nos concitoyens. C'est pourquoi, comme l'a dit Erwan Balanant en commission des lois, le groupe du Mouvement démocrate et Démocrates apparentés se félicite du montant des crédits alloués au ministère de la justice. Ils doivent nous donner les moyens de mettre pleinement en oeuvre les dispositions introduites par la loi de réforme de la justice. Ils doivent soutenir de manière effective la modernisation de l'institution, au plus près des justiciables.
En 2021, le programme « Justice judiciaire» bénéficiera d'une augmentation de 5,2 % des crédits de paiement et de 6,3 % des autorisations d'engagement par rapport à la loi de finances pour 2020. Cela contribuera au renforcement de la justice de proximité, notamment grâce à une augmentation des emplois dans les juridictions. Toutefois, monsieur le ministre, qu'en est-il des magistrats affectés localement à la répression des petits délits du quotidien dont le Premier ministre avait annoncé la création dans sa déclaration de politique générale, en juillet dernier ? L'effectivité de la justice de proximité est une nécessité dans chacun de nos territoires. Les Français n'en peuvent plus de cette petite délinquance qui gangrène les quartiers, mais aussi les villes et les villages. Les incivilités, les insultes, les trafics, les troubles, glorifiés par les réseaux sociaux, se développent, et nos concitoyens sont inquiets. Apporter une réponse judiciaire immédiate à celles et ceux qui se retrouvent devant les tribunaux, c'est contribuer à une reconquête républicaine. À cet égard, nous saluons les crédits supplémentaires attribués au financement de nouveaux projets dans le cadre de la prise en charge des victimes, comme ceux dédiés au développement des unités médico-judiciaires ou à la création d'unités d'accueil des enfants en danger, les UAED.
Nous tenions à appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la justice des mineurs. Nous attendons avec impatience la refonte de l'ordonnance de 1945. Il nous faut renforcer les moyens de son application. En huit ans, le nombre des dossiers relevant de l'assistance éducative judiciaire a crû de 52 % et celui des dossiers pénaux concernant des mineurs de 37 %. Il serait également intéressant d'étudier la possibilité, pour les mesures de placement, de faire bénéficier les enfants de la présence d'avocats, prise en charge par l'aide juridictionnelle, afin que leur parole soit entendue. Il est important de donner à cette justice de mineurs plus de moyens humains, qu'il s'agisse des juges des enfants ou des huissiers, et une plus grande diversité de solutions d'accompagnement des enfants. À cet égard, nous nous félicitons de la création de nouvelles places dans les centres éducatifs fermés, les CEF.
Le bras armé de la justice pour le suivi des mineurs est la protection judiciaire de la jeunesse. Et nous tenons à saluer l'augmentation de plus de 7 % des crédits du programme qui lui est dédié et les 40 postes supplémentaires dont elle bénéficie. Depuis plusieurs années, s'est engagé un processus de désengagement de la PJJ au profit d'associations s'agissant des mesures d'investigation ou du suivi en milieu ouvert. Pour permettre un juste traitement des dossiers des jeunes, il est important qu'elle reste présente pour assurer cet accompagnement, notamment dans les territoires, car celui-ci constitue souvent le dernier recours avant l'incarcération.
Notre société carcérale est également en proie à de nombreux maux : conditions de travail complexes des personnels pénitentiaires, garants de l'application des peines, notamment dans les petites structures, telle celle qui se trouve dans ma circonscription ; mauvaises conditions de détention et surpopulation carcérale. Certes, le nombre de prisonniers a connu une baisse mais pour des raisons qui ne sont pas pérennes puisqu'elles sont liées à la crise sanitaire : il y a eu un ralentissement de l'activité judiciaire pendant le confinement et des dispositifs exceptionnels de libération des détenus ont été mis en oeuvre. Comme l'a souligné le rapporteur spécial, s'agissant des prévisions pour 2021, l'administration pénitentiaire anticipe une dégradation du taux d'occupation des établissements. Aussi est-il plus que jamais nécessaire d'avoir un programme immobilier volontariste, adapté à l'urgence des besoins. Il est également indispensable de financer une politique pénale soucieuse de prévenir la récidive et de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice. Notre groupe salue le budget alloué au dispositif d'aménagement de peines et aux alternatives à l'incarcération, notamment les placements à l'extérieur et la surveillance électronique. Nous nous interrogeons cependant sur la faible hausse des crédits relatifs à l'action visant à développer le travail et la formation professionnelle des personnes détenues. La réinsertion passe aussi par le développement des activités en détention.
Mes chers collègues, pour terminer, je tiens à souligner l'affectation de 158 millions d'euros aux investissements informatiques. Ils contribueront à mettre utilement en oeuvre le grand plan de transformation numérique de la justice, à garantir de meilleures conditions de travail au personnel judiciaire ainsi qu'à assurer à nos concitoyens une proximité et un accès améliorés aux services de la justice. Si notre groupe approuve cette démarche de numérisation, il considère cependant que celle-ci ne doit pas remplacer la relation humaine, qui instaure une proximité indispensable à la qualité du lien entre justiciables et métiers de la justice.
Nous voterons l'augmentation du budget de la justice, indispensable pour la réformer en profondeur et répondre aux attentes des justiciables et de ceux qui rendent la justice.