Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales :

Dans le cadre de ce rapport pour avis, j'ai choisi de vous présenter ce qui constitue à mes yeux la mesure la plus marquante de la mission « Santé » de ce PLF pour 2021.

Je le fais avec d'autant plus de plaisir qu'elle concerne un endroit dont on parle trop peu dans cet hémicycle, un territoire perdu au milieu du Pacifique, à 22 000 kilomètres d'ici, qui est français et heureux de l'être : les deux îles de Wallis et Futuna, distantes l'une de l'autre de 200 kilomètres, grandes comme une fois et demie Paris et peuplées de 12 000 de nos concitoyens.

J'ai une pensée particulière pour notre collègue et ami Sylvain Brial, député de Wallis et Futuna, qui aurait voulu être présent pour voter ces crédits et à qui je souhaite beaucoup de courage pour sa rééducation.

Si je parle de ces îles, c'est que la dotation de l'agence de santé de Wallis et Futuna est inscrite au programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » de la mission « Santé » depuis 2013.

Cette agence de santé n'a rien à voir avec les agences régionales de santé – ARS – de métropole. Sa compétence est bien plus étendue, puisqu'elle sert tout à la fois d'ARS, d'hôpital, de cabinet de médecine de ville, de service de protection maternelle et infantile – PMI – et de pharmacie. C'est l'unique acteur de la santé sur ce territoire.

Cette situation très inhabituelle s'explique par les caractéristiques de ce territoire, très isolé et peu peuplé.

Parce que l'offre de soins est limitée, et parce que les Wallisiens et les Futuniens ont des revenus très modestes, les soins ont toujours été dispensés gratuitement par l'État, d'abord par le service de santé des armées, puis par cette agence, créée en 2001.

Il revient d'ailleurs explicitement à l'État d'assurer la santé publique, en vertu de la loi du 29 juillet 1961, conférant à ces îles le statut de territoire d'outre-mer.

Depuis le mois de juillet, j'ai conduit des auditions afin de savoir dans quelle mesure l'État s'est bien acquitté de cette responsabilité vis-à-vis des Wallisiens et Futuniens.

J'en profite pour remercier la rapporteure spéciale Véronique Louwagie, qui a obtenu ce qui constitue la principale source d'informations sur cette question : un rapport de mission de l'Inspection générale des affaires sociales – IGAS – et du Contrôle général économique et financier daté de mai 2019, dont les conclusions n'avaient pas été rendues publiques.

J'en suis arrivée à la conclusion que l'État n'a pas vraiment assumé sa responsabilité depuis le début des années 2000.

En effet, il a continûment choisi de financer l'agence à un niveau bien inférieur aux besoins de ce territoire, avec une triple conséquence. Premièrement, l'endettement de l'agence a atteint un niveau considérable – il est aujourd'hui résorbé, grâce à un prêt de l'AFD, l'Agence française de développement.

Deuxièmement, le sous-investissement s'est accumulé, si bien que les bâtiments de l'agence – les hôpitaux, notamment – sont vétustes, ne répondent à aucune norme d'hygiène et de salubrité et sont inadaptés à l'usage qui en est fait. Cette situation est inacceptable pour un territoire de notre république.

Troisièmement, l'agence de santé n'a pas exercé pleinement ses missions, en particulier dans le domaine de la santé publique, qui constitue pourtant une urgence absolue dans ce territoire, où la population est gravement affectée par des maladies non transmissibles telles que le diabète, l'hypertension, l'insuffisance rénale, les pathologies cardiaques et les cancers.

Cette situation résulte principalement des comportements alimentaires, qui causent l'obésité de 70 % des Wallisiens et Futuniens et le surpoids de 20 % d'entre eux. Les enfants sont de plus en plus touchés et de plus en plus précocement. On mesure à quel point l'abstention de l'État a été dommageable, voire coupable.

Cet état de santé dégradé doit être mis en lien avec le caractère structurellement limité de l'offre de soins. Il n'y a dans ces îles ni cardiologue, ni cancérologue, ni psychiatre, ni pédiatre, ni ophtalmologiste. L'agence de santé doit donc fréquemment recourir aux évacuations sanitaires, en première intention vers la Nouvelle-Calédonie, ce qui coûte cher – 15 millions d'euros.

Il était donc plus que temps que l'État prenne en compte les besoins de santé des Wallisiens et Futuniens à leur juste mesure. Pour le moment, la dépense de santé par habitant à Wallis et Futuna est la plus faible des outre-mer français, avec Mayotte.

La bonne nouvelle est que l'État et votre ministère, monsieur le ministre de la santé, se décident enfin à réagir.

Dans le cadre du PLF pour 2021, la dotation de l'agence de santé sera portée à 46,5 millions d'euros, en hausse de 4 millions d'euros. Cela permettra de conduire enfin une véritable action de santé publique, de développer la télémédecine et d'élargir l'offre de soins, notamment dans le domaine médico-social.

Dans le cadre du Ségur de la santé, l'agence de santé de Wallis et Futuna bénéficiera de surcroît d'une dotation d'investissement de 45 millions d'euros, conformément aux préconisations de l'IGAS, lui permettant de reconstruire, de rénover, d'humaniser et d'étendre les bâtiments des hôpitaux et dispensaires.

Je salue ce réengagement de l'État, certes tardif, mais attendu et nécessaire. Il faut maintenant rattraper le temps perdu, pour préserver l'avenir de nos concitoyens de Wallis et Futuna. Par solidarité avec eux, et au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite donc à voter en faveur du projet de budget de la mission « Santé ».

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