Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du lundi 2 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Les crédits des missions « Santé » et « Solidarité, insertion et égalité des chances » que nous examinons aujourd'hui sont sous-dimensionnés pour répondre à la vague de pauvreté qui s'abat sur notre pays. Le programme 304, inscrit à la baisse dans le PLF, a dû être abondé à nouveau par les mesures covid et post-covid en direction des plus fragiles, dans le cadre des différentes lois de finances rectificatives. Cependant, les crédits restent insuffisants pour absorber le choc des effets économiques et sociaux de la crise sanitaire.

Dans son avis du 26 octobre dernier, le Conseil scientifique note que « les premières données disponibles des économistes et chercheurs qui analysent les conséquences des mesures de confinement du printemps » indiquent que « celles-ci ont eu un impact sur l'accroissement drastique de la pauvreté et des inégalités sociales. » En septembre déjà, l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – dressait un constat implacable établissant qu'après quatre années de stabilité, le taux de pauvreté de l'ensemble de la population était reparti à la hausse en 2018 pour atteindre 14,8 %, tandis que le taux de pauvreté des enfants augmentait de 0,9 % pour atteindre 21 % – ceci en raison de vos choix politiques depuis 2017.

Aujourd'hui, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée comme « le socle de politiques publiques renouvelées de lutte contre la pauvreté » est en perte de vitesse. Son financement est d'ailleurs peu conséquent dans ce PLF, et les bilans fournis par la délégation interministérielle à la prévention et à la lutte contre la pauvreté – DIPLP – ou France Stratégie montrent des résultats décevants, car nombre des actions annoncées ne sont pas toujours mises en place.

En misant uniquement sur des mesures dont les effets se verront à long terme, votre stratégie se révèle insuffisante pour répondre aux besoins concrets des personnes précaires, à savoir payer un loyer, se nourrir, se chauffer et se soigner, et ce dès aujourd'hui. D'autre part, alors que le nombre des bénéficiaires de l'aide alimentaire a augmenté de 30 % à 45 % selon les associations, les crédits inscrits dans le PLF 2021 baissent de plus de 11 %. Vous opposez un argument technique à cette baisse, mais quel mauvais signal tout de même, d'autant que nous n'avons aucune certitude quant au fait que ces crédits permettront de répondre à l'augmentation massive de la demande !

Or, que ce soit dans le plan de relance ou dans les annonces faites récemment, le Gouvernement se contente de mesures ponctuelles d'urgence là où il faudrait des augmentations massives, permettant de soutenir le pouvoir d'achat des plus précaires, à commencer par celui des jeunes. Il est vrai que le refus de revaloriser les prestations monétaires pour les populations qui ne travaillent pas constitue la seule ligne directrice identifiable de votre politique, comme le souligne le sociologue Nicolas Duvoux dans sa récente note sur les priorités sociales après la crise sanitaire. Le RUA qui, en procédant à une fusion des minima sociaux, devait être le plan majeur de la lutte contre la pauvreté de ce quinquennat, a été repoussé sine die.

L'émancipation par le travail présente des limites, alors que le pic de l'augmentation du taux de chômage est estimé à 11 % au 1er septembre 2021. La prime d'activité est un dispositif pertinent et efficace lorsque l'emploi est là, mais face à cette crise au cours de laquelle on voit se multiplier les plans sociaux et les licenciements, il ne peut plus être l'unique réponse. L'État ne peut se cantonner à investir uniquement dans les personnes les plus proches de la sortie de la situation de pauvreté afin d'annoncer des chiffres positifs d'amélioration du taux de pauvreté, comme le déplore l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux – UNIOPSS.

Le groupe Socialistes et apparentés plaide depuis longtemps, d'une part, pour la mise en place d'un revenu de base, sur lequel nous avons travaillé avec certains départements, d'autre part, pour un minimum jeunesse conçu à l'image du minimum vieillesse existant – à défaut d'ouverture du RSA aux jeunes entre 18 et 25 ans. Vous avez annoncé l'examen d'un quatrième projet de loi de finances rectificative contenant des propositions destinées à la jeunesse. Nous y serons attentifs, en espérant que vous aurez pris la mesure de la gravité de la montée de la pauvreté et que vous irez au-delà d'un nouveau saupoudrage, car il y a urgence. En attendant, le groupe Socialistes et apparentés ne pourra pas voter les crédits présentés aujourd'hui.

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