Mon amendement no 1873 est à la fois proche et différent de celui que vient de présenter Mme Pujol. Il est proche dans la mesure où il partage le souhait de recentrer l'AME sur les soins urgents et vitaux, mais il est différent puisque le montant proposé par Mme Pujol est bien plus important que celui que je propose : alors que notre collègue souhaite réduire les crédits de l'AME de 980 millions d'euros, je demande, pour ma part, une diminution de 535 millions d'euros. Une baisse de 980 millions d'euros sur un budget total de 1 061 millions reviendrait à supprimer de facto l'AME, ce qui n'est pas souhaitable ; en revanche, une diminution de 535 millions d'euros permettrait de conserver l'AME en la recentrant sur les soins urgents.
À propos de soins urgents, je voudrais apporter trois précisions.
Premièrement, les soins urgents sont les soins relatifs à la vaccination, aux maladies contagieuses, ainsi que les soins vitaux. Ces soins incluraient bien entendu ceux qui sont dispensés dans le cadre de la pandémie actuelle. Ils bénéficieraient aux seuls étrangers majeurs en situation irrégulière, puisque les mineurs et les femmes enceintes continueraient, pour leur part, à bénéficier du même panier de soins qu'aujourd'hui.
Deuxième précision : un recentrage de l'AME sur les soins urgents nous rapprocherait des pratiques d'autres pays européens ; il mettrait fin à une exception française consistant à proposer une aide médicale d'État bien plus généreuse qu'ailleurs. J'invite celles et ceux qui en doutent à relire le rapport de l'Inspection générale de finances – IGF – et de l'IGAS publié l'an dernier. À partir de la page 71, ce rapport étudie la situation de huit autres pays européens : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, l'Italie, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. Dans ces huit pays, l'AME se limite à la prise en charge des pathologies nécessitant des soins urgents ou, plus largement, essentiels, à la prise en charge des femmes enceintes et des mineurs et à la prévention des infections. Seule la France propose aujourd'hui une couverture sanitaire aussi large. Pourquoi ce qui se pratique chez nos voisins ne pourrait-il pas se pratiquer en France ?
Le troisième point sur lequel j'aimerais m'attarder concerne l'étendue des soins proposés en France, qui est à l'origine d'une migration pour soins. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le rapport de l'IGAS et de l'IGF, qui est très clair : à la page 6, il est écrit que les atypies observées dans les soins dispensés aux étrangers en situation irrégulière « renforcent de façon convaincante l'hypothèse d'une migration pour soins, qui n'est clairement pas un phénomène marginal ». Plus d'un quart des étrangers en situation irrégulière citeraient les soins parmi les raisons de leur migration.
Je crois donc qu'il est plus que temps de mettre un terme à cette exception française et de recentrer l'AME sur les soins urgents. Mon amendement s'articule avec un autre amendement portant article additionnel après l'article 58, que nous examinerons un peu plus tard.
Ni l'amendement no 1802 ni celui que je viens de présenter n'ont été discutés en commission. C'est donc à titre personnel que je donne à l'amendement no 1802 un avis défavorable, puisqu'il supprimerait complètement l'AME, et un avis favorable à mon propre amendement, qui recentre le dispositif sur les soins urgents.