Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du mardi 3 novembre 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Présentation

Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie :

Ce deuxième confinement se distingue cependant par bien des aspects du premier. Il traduit l'équilibre si fragile et si précieux que nous devons maintenir. Le Gouvernement a bien conscience que les efforts demandés aux Français sont très importants ; nous mesurons les conséquences individuelles et collectives auxquelles nous nous préparons. Mais ces efforts sont indispensables pour sauver des vies. Sauver des vies ne peut être un impératif au mois de mars et devenir une simple option au mois de novembre. Il faut de la constance, il faut de l'endurance : ce sont là nos seules armes, à ce jour, pour venir à bout du virus.

Je peux en témoigner, les débats au Sénat ont été vifs et les positions souvent divergentes, sur plusieurs articles du projet de loi. Je pense en particulier aux échanges sur le périmètre des habilitations à légiférer par ordonnances ; c'est ce qui a conduit le Gouvernement à déposer des amendements en commission, afin de réaffirmer la position que nous défendons s'agissant de l'article 4.

Par ailleurs, l'évolution de la situation sanitaire et les effets différés de la circulation du virus sur le système de santé rendent indispensables une prorogation au-delà du 17 novembre. Lors de la navette parlementaire, une divergence de vue est apparue avec le Sénat qui privilégiait la date du 31 janvier, mais le Gouvernement souhaite inscrire celle du 16 février, rétablie en commission. Vous comprendrez donc que je ne pourrai donner qu'un avis défavorable aux amendements visant à revenir de nouveau sur cette date. En effet, nous sommes en situation de crise, et les Français comprennent que pour agir, il faut de la visibilité. Réduire ce délai, c'est, de fait, réduire notre visibilité et notre capacité d'action.

Autre désaccord, le projet de loi prévoit à l'article 2 de proroger le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er avril 2021. Cette date différente est essentielle pour que nous disposions de facultés d'intervention lorsque l'état d'urgence sanitaire sera levé. Le Sénat n'a pas retenu cet article. Pourtant, la sortie de l'état d'urgence sanitaire ne se fera pas du jour au lendemain : toutes les mesures de protection de la santé des Français ne pourront s'arrêter d'un claquement de doigts. Si tel était le cas, la seule perspective consisterait en effet à maintenir l'état d'urgence sanitaire jusqu'à la disparition du dernier cas de covid-19 sur notre territoire, ce que personne ne peut considérer comme raisonnable.

Un régime transitoire moins contraignant mais permettant de protéger la santé de la population en phase de recul de l'épidémie doit être prévu ; il a heureusement été rétabli hier en commission. La date du 1er avril 2021, retenue pour ces dispositions, paraît en outre cohérente avec la clause de caducité voulue par le Parlement lui-même pour le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire. Cette échéance permettra de consacrer la future réforme relative à la mise en place d'un dispositif pérenne de gestion de l'urgence sanitaire, sans que le débat de fond ne soit suspendu par la nécessité d'une nouvelle prorogation des mesures transitoires.

En cohérence et surtout au vu de l'importance des systèmes d'information pour suivre et gérer efficacement l'évolution de la situation sanitaire, l'article 3 permettra la mise en oeuvre des systèmes dédiés à l'épidémie de covid-19 pour la durée correspondant à celle de la période de l'état d'urgence sanitaire et du régime transitoire.

Enfin, à l'article 4, le projet de loi prévoyait plusieurs habilitations pour rétablir ou prolonger les dispositions de certaines ordonnances prises sur le fondement des lois du 23 mars et du 17 juin 2020, ou de dispositions législatives récentes, précisément identifiées. Cet article a été inspiré par le débat parlementaire. En première lecture du projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence, plusieurs sénateurs avaient proposé des amendements visant à proroger des mesures d'incitation et de protection de la population. Nous en avons tiré les conclusions en proposant au Parlement, dans le présent texte, de proroger un ensemble de dispositifs, à l'instar de ce que nous avions proposé et que vous avez accepté au moment de l'instauration de l'état d'urgence sanitaire.

Cette habilitation doit permettre, en cas de besoin – j'insiste sur cette nuance – , de rétablir en les adaptant à l'état présent de la situation sanitaire ainsi qu'aux règles de police sanitaire les mesures d'accompagnement qui ont été conçues à partir de mars dernier.

Le Sénat n'a pas retenu cette rédaction ; il a préféré inscrire directement dans la loi certaines mesures de prorogation, tout en limitant significativement le contenu des habilitations prévues à l'article 4. Néanmoins, compte tenu de l'aggravation rapide de la situation et du renforcement des mesures de police sanitaire, il est nécessaire de disposer d'habilitations pour parer à toutes les éventualités, en particulier afin de répondre à la propagation de l'épidémie et à ses conséquences sur l'activité du pays, qui sont encore difficilement prévisibles pour les prochaines semaines. C'est le sens de l'amendement déposé en commission par le Gouvernement.

Avant de conclure, je dirai un mot d'un autre sujet d'importance débattu en première lecture, celui des consultations obligatoires. Après que la dispense de consultation obligatoire a été limitée aux ordonnances signées jusqu'au 31 décembre 2020, l'amendement de rétablissement de l'article 4, déposé par le Gouvernement en commission, a procédé à un nouvel ajustement de ce mécanisme, en sanctuarisant la consultation obligatoire des autorités administratives ou publiques indépendantes.

Sur ce point comme sur beaucoup d'autres, nos échanges ont été très fructueux, et le texte désormais soumis à l'Assemblée nationale atteint le bon équilibre. Nous pouvons collectivement nous en féliciter. Mesdames et messieurs les députés, depuis le début de la pandémie, le Parlement s'est montré à la hauteur de cette épreuve historique, avec exigence et responsabilité. Le virus n'épargne aucun territoire ; dans l'hexagone comme dans les outre-mer, tous nos concitoyens sont menacés. Nous nous préparons à un choc considérable dans les jours qui viennent ; nos soignants sont déjà sur le front, et le pays tout entier doit être à leurs côtés. D'exigence et de responsabilité, aucun élu n'en a manqué, et je sais qu'une fois encore, vous serez au rendez-vous.

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