Je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit ; je reste persuadé que ce problème est de nature structurelle et pose la question des compétences. Il ne s'agit pas là d'une phrase en l'air. On ne peut avoir demandé pendant trente ou quarante ans le transfert définitif, consacré par la Constitution, de certaines compétences de l'État aux collectivités du Pacifique, ce qui est au demeurant une bonne chose ; et, lorsqu'on ne parvient pas à financer certains services publics, en revenir au budget de l'État, sans cadre global.
S'agissant de ces compétences, cela soulève la question du principe de subsidiarité. C'est un bon sujet, car la continuité territoriale archipélagique n'est pas seule en cause : je vois poindre les mêmes interrogations concernant la CSPE – contribution au service public de l'électricité – , l'énergie en général et nombre d'autres sujets. Je propose donc au Parlement d'établir un bilan des transferts de compétences réalisés au cours des dernières années.
Il est intéressant de constater qu'aujourd'hui, ces collectivités, eu égard à la crise, aux difficultés structurelles, n'arrivent plus à assumer intégralement certains services publics, certaines compétences, transférés au fil du temps. Je ne le reproche à personne, mais après une lame de fond autonomiste, légitime – n'étant guère jacobin, je me sens tout à fait à l'aise pour évoquer ces sujets – , force est de constater que nos réunions bilatérales entre territoires et Gouvernement sont souvent consacrées à des compétences qui n'appartiennent absolument plus à l'État. Le phénomène est intéressant. C'est sous cet angle qu'il faut considérer les choses.
Par ailleurs, en Guyane, environ 700 personnes bénéficient chaque année de l'aide à la continuité territoriale, pour un ticket moyen de 29 ou 30 euros. Soyons francs : on ne peut pas dire que ce soit un grand succès. Monsieur Lagarde, j'en reviens à l'amendement que vous défendez pour le compte de Mme Sanquer : l'instauration en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie française d'un dispositif analogue efficace, c'est-à-dire faisant effet de levier, demanderait beaucoup plus que le million d'euros que vous proposez ; et même avec cet effet structurel, il reposerait la question de la concurrence. Édouard Fritch, le président de la Polynésie française, y revient souvent : le prix du billet dépend des flux, autrement dit de la capacité à générer beaucoup de billets pour réduire les coûts, mais aussi du degré de concurrence. Il existe des situations de monopole qui compliquent énormément les choses et que nous devons malheureusement régler nous-mêmes, car nous soutenons par ailleurs les compagnies en question.
Par conséquent, je souscris à vos propos, monsieur Lagarde : il s'agit d'un sujet global, que nous ne pouvons traiter en deux ou trois amendements dans le contexte d'une discussion budgétaire. Il soulève des questions structurantes, structurelles, qui s'étendent au-delà de la continuité territoriale, puisque nous les voyons surgir dans le domaine de l'énergie, où elles ne se posaient pas ces dix dernières années. En tout cas, merci pour ces amendements : ils mettent l'accent sur des difficultés d'organisation, qu'il nous faudra résoudre, entre l'État et les collectivités du Pacifique ; je ne parle même pas de la Nouvelle-Calédonie, où la répartition des compétences est d'une complexité plus redoutable encore.