Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du jeudi 5 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Après l'article 55

Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer :

M. le rapporteur spécial a raison : tout ce qui permettra de faire la lumière sur la situation de l'eau ira dans le bon sens. Lors des questions au Gouvernement, votre intervention m'avait piqué au vif ; je ne veux pas qu'on laisse croire que le Gouvernement – ou l'État, d'ailleurs – ne prend pas ses responsabilités. De nombreux parlementaires ici présents pourraient témoigner du fait que l'État abonde de plus d'une centaine de millions d'euros, compte tenu des 50 millions du plan de relance, non seulement sur des compétences qui ne sont plus les siennes – à la rigueur, cela peut se comprendre – , mais surtout en contrariant le grand principe selon lequel « l'eau paie l'eau » – les factures d'eau financent les investissements des collectivités. Si nous dérogeons ainsi à toute forme de droit commun, c'est bien, précisément, parce que nous prenons nos responsabilités, et parce que nous ne nous satisfaisons pas d'une situation qui est dramatique. Le covid-19, de ce point de vue, n'arrange pas les choses.

Lorsque j'étais secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire, je me suis beaucoup investi sur la question de l'eau, avec une approche fondée sur mon expérience d'élu local. Il a fallu prendre des décisions courageuses et pas toujours populaires, comme la dissolution du SIAEAG – syndicat intercommunal d'alimentation en eau et d'assainissement de la Guadeloupe – , que j'ai décidée par décret. Je ne veux pas que l'on fasse le procès des élus locaux, car il serait trop facile d'aller chercher partout des responsables. Sur cette question de l'eau, nous avons un devoir d'unité.

Le problème est d'ailleurs plus large : des tours d'eau sont également organisés à Mayotte, pour d'autres raisons qu'en Guadeloupe, en particulier l'accroissement démographique et la difficulté d'accès à la ressource en tant que telle, compte tenu de la situation des retenues collinaires. Il faut éviter de faire des amalgames entre les différents territoires, car ils sont soumis à des réalités diverses et complexes.

En Guadeloupe, la difficulté ne tient pas à la production de l'eau potable – on en produit suffisamment – mais à son acheminement et à sa distribution ; elle est liée à des problèmes de fuites, de pression mais aussi d'équilibre du réseau sur l'ensemble de l'archipel. C'est une question de solidarité : dans un environnement insulaire, et tout particulièrement sur les questions d'eau, les différentes autorités de gestion ont le devoir de se montrer solidaires.

Je réunirai vendredi, en visioconférence, plusieurs élus locaux des différentes communautés d'agglomération concernées, et je vous prie vraiment de croire que nous prenons nos responsabilités en la matière. Dans ce domaine, en effet, un cercle vicieux risque de s'installer – quand l'eau ne coule plus du robinet, on est évidemment incité à ne pas payer sa facture – et nous devons réussir à rompre ce cercle. C'est un dossier très délicat qui doit nous rassembler ; sur place – je m'adresse notamment aux députés de Guadeloupe – , personne ne comprendrait que l'on fasse de la politique sur une question si sensible, et nous devons désormais nous efforcer de trouver des solutions.

Les élections municipales sont derrière nous ; des élections régionales et départementales sont certes à l'horizon, mais il faut faire en sorte que le débat politique ne crée pas de difficultés. L'ingénierie nécessaire est sur la table, et l'argent le sera ; nous avons renforcé la DEAL – direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement – de Guadeloupe il y a deux ans pour qu'elle puisse prendre en charge la question. C'est désormais l'exécution qui doit primer.

Je demande le retrait s'agissant du rapport en tant que tel, mais si l'Assemblée nationale souhaite se saisir du sujet pour comprendre ce qui s'est passé, évaluer ce qui est fait et examiner dans le détail la situation, cela fait partie de ses prérogatives et le Gouvernement sera évidemment à sa disposition.

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