Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du jeudi 5 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Lorsqu'on ouvre le bleu budgétaire de la mission « Immigration, asile et intégration », une chose est frappante : près de 70 % des crédits sont dédiés à l'immigration et à l'asile, et seulement 20 % aux politiques d'intégration. Or, dans les faits, tout démontre l'inadaptation de cette répartition. Nous constatons chaque jour des failles énormes dans la gestion des flux migratoires. À l'impossibilité, ou en tout cas à la très grande difficulté de nous accorder avec nos voisins européens, s'ajoute l'inefficacité de la procédure de Dublin, qu'il conviendrait de réformer. Conséquemment, la lutte contre les filières d'immigration irrégulière n'est manifestement pas une réussite – et c'est une litote.

De même, s'agissant des expulsions des étrangers en situation irrégulière, nous sommes en échec. Il existe un complet décalage entre les obligations prononcées de quitter le territoire français et les reconduites à la frontière : 151 181 mesures d'éloignement ont été prononcées en 2019, mais seulement 23 746 mesures d'éloignement ont été exécutées, c'est-à-dire un taux d'exécution de 15 %.

Au regard des crédits dédiés à l'intégration, on constate que non seulement nous ne savons pas expulser, c'est-à-dire avoir des accords avec les pays concernés pour les réadmissions, mais qu'en plus, nous ne sommes pas en mesure d'intégrer correctement ceux qui restent sur le territoire national avec notre assentiment. Votre budget augmente à peine de 0,4 % en la matière, alors même que les besoins sont criants, dans mon département, comme dans tant d'autres. Au moment où la crise sanitaire rend l'intégration économiquement et socialement plus difficile, le budget n'est pas à la hauteur de l'enjeu.

Un double échec s'annonce. Madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, votre dossier de presse indique que vous souhaitez préserver les acquis de la politique d'intégration. Or, ces acquis restent encore à construire. Il faudrait être beaucoup plus actifs pour permettre une intégration correcte des étrangers que nous acceptons sur notre territoire, qu'il s'agisse notamment de l'apprentissage de la langue – il a fait des progrès, mais ceux-ci sont encore insuffisants – , ou de l'acquisition des notions, des valeurs et de ce que nous avons en partage sur le territoire français. Nombre des étrangers parfois montrés du doigt par les extrêmes ne connaissent en réalité pas les règles de fonctionnement de la société française ; ils reproduisent les leurs, parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de les leur apprendre.

Dans votre budget, 250 millions d'euros sont consacrés à l'accueil des primo-arrivants, quand les crédits dédiés à l'intégration se montent à un peu plus de 50 millions d'euros. Voilà encore un décalage, qui induit une faiblesse. Ce montant n'est pas suffisant pour construire des politiques réussies, à même de bien accueillir les étrangers. Il s'agit pourtant d'un enjeu majeur.

Depuis des années, le groupe UDI et indépendants formule des propositions. La première vise à aménager une scolarisation rapide et adaptée des enfants dès leur arrivée, que leurs parents aient ou non vocation à rester. On constate, dans des écoles comme celles de ma commune, que des enfants sont scolarisés en maternelle pendant trois ans, sans parler français. Ils sont pourtant acceptés en cours. Dans certaines écoles, ils sont majoritaires, plaçant les enseignants dans la détresse, car ils ne savent pas comment leur transmettre le savoir. De la même façon, les parents ne sont pas suffisamment accompagnés : l'alphabétisation est souvent le fait des politiques communales. Il y a donc des trous dans la raquette, qui doivent être comblés au plus vite.

Nous souhaitons également que chacun puisse travailler dès qu'il arrive sur le territoire français, comme nous l'avions proposé à Gérard Collomb, lorsqu'il était ministre de l'intérieur. Il nous semble absurde qu'un demandeur d'asile n'ait pas le droit de travailler pendant huit, neuf, dix, douze, ou quinze mois, en attendant la décision des autorités.

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