Intervention de Thibault Bazin

Séance en hémicycle du jeudi 5 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThibault Bazin, suppléant M Gérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Je vous prie d'excuser Gérard Cherpion, qui ne peut être présent ce soir parmi nous. Il m'a demandé de le remplacer pour faire connaître en séance publique l'avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».

La discussion du projet de loi de finances pour 2021 intervient dans une période dramatique sur les plans sanitaire, économique et social. Face à cette situation, face à la nécessité pour le Gouvernement de prendre des mesures sous le sceau de l'urgence, l'exercice annuel d'autorisation d'engagement des dépenses par le Parlement perd un peu de son sens. Les annonces de nouvelles dépenses engagées par le Gouvernement, exprimées en milliards d'euros, ne semblent plus conditionnées par une approbation parlementaire préalable.

Il s'agit de limiter les conséquences de la crise sanitaire en préservant l'emploi. Si l'on peut saluer l'augmentation de 400 millions d'euros des crédits de paiement, qui porte le budget de la mission « Travail et emploi » à 13,38 milliards d'euros, force est néanmoins de constater que ce budget reste inférieur de près de 2 milliards à celui de 2018. Aussi nous interrogeons-nous sur les conditions d'équilibre du budget et sur la continuité de l'effort pour les suivants. Le budget du plan de relance s'ajoute à celui de la mission, pour un montant de plus de 10 milliards d'euros. Or l'activité partielle, y compris celle qui préexistait, est intégralement financée par le plan de relance. On peut de ce fait légitimement s'interroger sur le financement de l'activité partielle dans le prochain PLF. A contrario, la forte augmentation du budget de l'insertion par l'activité économique dans le présent PLF est bien intégrée dans la mission « Travail et emploi ». Nous saluons ce choix et le considérons comme un engagement pérenne du Gouvernement.

Madame la ministre, les débats en commission des affaires sociales ont cependant laissé subsister au moins six questions sans réponse.

Premièrement, concernant les moyens du service public de l'emploi, notamment les crédits versés à Pôle emploi, l'État poursuit son désengagement, à hauteur de 130 millions d'euros cette année, tout en versant deux subventions exceptionnelles, financées par les crédits du plan de relance. La dépendance croissante de Pôle Emploi aux ressources de l'assurance chômage pose de nouvelles difficultés à l'opérateur dès lors que l'activité ralentit, la baisse de ses ressources étant concomitante avec la hausse du nombre de demandeurs d'emploi à accompagner ; Gérard Cherpion l'avait souligné dans son rapport l'année dernière.

Deuxièmement, le financement de la formation professionnelle est mis en péril par la réforme : il souffre d'un déséquilibre structurel, mis en lumière par un rapport rendu en février dernier sur les finances de l'institution France compétences. À ce déséquilibre s'ajoute désormais une baisse des recettes, assises sur la masse salariale. Certes, le plan de relance prévoit une dotation exceptionnelle de 750 millions d'euros, mais à la condition que France compétences fasse adopter par son conseil d'administration un budget 2022 en équilibre. Or c'est une mission impossible, pour deux raisons : le paiement obligatoire des engagements du compte personnel de formation, d'une part, et les difficultés qu'engendrerait la baisse du coût du contrat d'apprentissage pour les organismes de formation, d'autre part. France compétences ne pourra pas remplir sa mission sans procéder à un emprunt et renforcer encore ses équipes.

Troisièmement, vous avez instauré des dispositifs de prime à l'embauche pour un grand nombre de publics : apprentis, jeunes, travailleurs handicapés. Ces primes facilitent l'embauche immédiate mais, ces dispositifs prenant fin en mars 2021, on peut légitimement s'interroger sur la rentrée 2021 : ces mêmes publics risquent alors de rencontrer des difficultés pour trouver un employeur.

Quatrièmement, vous proposez d'augmenter l'aide financière prévue dans le cadre des emplois francs pour recruter un actif résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Cependant, ce dispositif n'a pas rencontré son public, notamment du fait de son manque de lisibilité pour les employeurs locaux. Une revalorisation de la prime ne suffira pas à le rendre plus incitatif, alors qu'il faudrait traiter en priorité la question de la condition d'accès à l'emploi des bénéficiaires. Pourquoi ne pas étendre l'accès à ce dispositif à des zones moins denses, dans lesquelles le taux de chômage était supérieur à la moyenne nationale avant la crise, comme le bassin de Lunéville ou comme celui de Saint-Dié, cher à notre collègue Gérard Cherpion ?

Cinquièmement, le Gouvernement a annoncé une augmentation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. Le coût de cette mesure, appréciable, est estimé à 191 millions d'euros pour la mission « Plan de relance. » Cependant, elle va entraîner une hausse des dépenses de rémunération tant pour les régions que pour Pôle emploi, dont la compensation n'est pas inscrite dans le projet de loi de finances. C'est un problème non seulement de financement mais aussi de méthode. D'une manière plus générale, le plan de relance laisse à l'écart les régions. Celles-ci seraient pourtant prêtes à jouer un rôle de pilotage de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi, conformément à un engagement du Gouvernement qui n'est toujours pas mis en oeuvre.

Enfin, quelle suite le Gouvernement entend-il donner au projet de loi ratifiant diverses ordonnances prévues par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et portant diverses mesures d'ordre social ? Cette question est restée sans réponse lors de l'examen du texte en commission. S'il faut saluer l'augmentation des crédits de la mission « Travail et emploi » parce qu'ils sont abondés par le plan de relance, il est à redouter de grandes difficultés si les questions structurelles de financement de la formation professionnelle ne sont pas rapidement résolues.

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