Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du jeudi 5 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Depuis plusieurs mois, les députés du groupe Socialistes et apparentés ont soutenu les mesures prises par le Gouvernement en faveur de l'emploi ainsi que de l'activité partielle. Vous ne serez donc pas surpris si je vous dis que nous soutenons aussi les mesures comprises dans la présente mission, y compris celles placées dans le cadre de la mission « Plan de relance » dotée de 10,5 milliards d'euros en crédits de paiement, consacrés à la sauvegarde de l'emploi, aux aides à l'embauche et au développement de la formation professionnelle. Nous regrettons cependant le manque de visibilité de l'ensemble des politiques conduites, éclatées qu'elles sont entre plusieurs missions budgétaires.

Ce à quoi nous devons, toutes et tous, veiller particulièrement, c'est à ne pas nous payer de chiffres comme il arrive parfois à la majorité de se payer de mots. C'est vrai pour toutes les périodes et cela vaut a fortiori pour cette période de crise : il importe de nous assurer de l'effectivité des annonces formulées dans la loi, même lorsqu'il s'agit d'une loi de finances. Il ne s'agit pas seulement de voter des crédits de paiement : c'est une condition nécessaire mais non suffisante. Il convient de vérifier que les politiques publiques qu'ils financent sont bien concrétisées. Depuis trois ans, nous avons pu constater, plus souvent qu'à notre tour, que ce qui était réalisé n'était pas à la hauteur de ce qui était annoncé. Je pense, par exemple, aux parcours emploi compétence : les crédits, portés par un discours enthousiaste de la majorité et du Gouvernement, ont souvent été votés mais leur exécution a laissé à désirer. Vous aviez annoncé 100 000 contrats PEC mais, en réalité, vous avez plutôt détruit 200 000 emplois aidés.

Nous pensons qu'il aurait été plus efficace de consacrer 70 millions d'euros à la création de 10 000 « emplois de relance boost » tels que les propose le mouvement associatif. Il s'agirait de les flécher vers des activités comme la santé, la prévention épidémique, les solidarités intergénérationnelles, l'éducation populaire, l'agriculture durable et d'autres domaines à fort impact social et environnemental. L'État interviendrait via un fonds d'amorçage dégressif sur trois ans, sur la base de 75 % d'un SMIC brut chargé en 2021, 50 % en 2022 et 25 % en 2023. Les emplois seraient prioritairement ciblés vers les entreprises à but non lucratif ou à lucrativité limitée ainsi que vers les entreprises commerciales agréées solidaires d'utilité sociale. Ces emplois auraient, à notre sens, un effet immédiat sur le marché du travail pour les jeunes qui se retrouvent en grande difficulté. Ces investissements de l'État se feraient en échange d'un engagement portant sur la localisation de l'emploi et d'une mesure de l'impact social et écologique des activités ainsi développées.

Nous pourrions évoquer aussi le manque d'effectivité s'agissant des emplois francs. Notre rapporteur pour avis nous indique que l'objectif affiché de 21 500 créations en 2020 ne sera pas atteint. Nous doutons donc du bien-fondé des annonces faites dans le cadre du plan de relance, selon lesquelles ils seront substantiellement augmentés.

À titre d'exemple, une revalorisation de l'aide aux postes dans les associations intermédiaires, la faisant passer de 1 462 à 4 000 euros, nous paraîtrait un investissement beaucoup plus efficace. En effet, alors que ces structures sont, de très loin, le dispositif le moins aidé – elles reçoivent 3 % du budget consacré à l'IAE – elles représentent plus de 45 % des effectifs du secteur de l'IAE et affichent un des meilleurs taux de sortie positive dans l'emploi, selon le rapport de la Cour des comptes de 2019. Elles le doivent – et cela a de la valeur – à un niveau d'accompagnement très élevé, qui renchérit inévitablement le coût de chaque poste.

Une question éminemment démocratique se pose désormais, celle de l'exécution, de l'effectivité et de l'efficacité des mesures. Comment assurer le bon déploiement de nombreux programmes qui voient leurs crédits augmenter, alors que ceux du ministère du travail, de l'emploi et de l'insertion baissent ? La destruction des emplois se poursuit dans ce ministère : avec 795 équivalents temps plein – ETP – détruits en 2021, l'année prochaine sera la pire depuis le début du quinquennat. Au total, les suppressions de postes depuis 2017 atteindront 1 447 ETP, soit une baisse de 18 %. Évoquons également Pôle emploi, dont la subvention pour charges de service public diminuera de 86 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 357,5 millions depuis 2017, qui n'est pas compensée par la dotation exceptionnelle de 250 millions. Des difficultés surviendront donc sans nul doute dans les années à venir.

Par ailleurs, alors que nous étions convenus, ensemble, d'élargir à au moins soixante territoires l'expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » qui a cours depuis cinq ans, comment comprendre que la participation de l'État à cette initiative recule en 2021, à 22,61 millions d'euros ?

Nous nous trouvons dans une situation économique compliquée. J'espère que dans le débat qui s'ouvre, madame la ministre, vous aurez une oreille attentive aux propositions formulées sur les différents bancs des oppositions.

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