Intervention de Jean-Hugues Ratenon

Séance en hémicycle du jeudi 5 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Hugues Ratenon :

La crise sanitaire laisse présager une crise sociale sans précédent. Dans un tel contexte, nous aurions pu nous attendre à un budget de combat et à des mesures fortes pour limiter la casse au maximum. Malheureusement, les dégâts sont déjà là : selon l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – , le taux de chômage pourrait atteindre 10 % à la fin de l'année. Plus de 600 000 emplois ont été détruits au premier semestre, et ce n'est malheureusement que provisoire, puisque la deuxième vague et la politique du reconfinement sont là.

Les conséquences seront lourdes, et nous avons l'impression que vous naviguez à vue, au jour le jour ; il n'y a pas de perspectives claires, la stratégie est floue. Il ne suffit pas d'annoncer des milliards à longueur de temps pour que la situation s'améliore toute seule ! L'heure n'est pas à la com'. Le sentiment d'abandon grandit dans le pays, et personne ne peut prédire sur quoi il pourrait déboucher.

Ce n'est pas la mission « Travail et emploi » qui nous rassure. En dehors du satisfecit habituel provoqué par un budget en hausse, présenté comme l'un des gagnants du projet de loi de finances, les moyens sont-ils réellement à la hauteur des défis ? Ma réponse est non. Pourtant, la lutte contre le chômage est au premier rang des préoccupations des Français, juste devant l'environnement et la santé.

Les jeunes et les peu qualifiés sont et seront les plus touchés. Quel avenir leur proposez-vous ? Quel rayon de soleil leur apportez-vous ? Sans travail, il n'y a pas d'insertion sociale. Comment trouver un logement ? Comment fonder une famille ? Comment offrir des études à ses enfants ? Que faites-vous de la dignité humaine acquise par le travail ? Les millions de chômeurs de l'hexagone et de l'outre-mer sont-ils condamnés à regarder le soleil se lever et se coucher, sans rien faire ? Les personnes privées d'emploi ont toutes les peines du monde à retrouver une activité rémunérée.

Pourtant, dans le contexte actuel, vos perspectives sont plutôt à la réduction des dépenses qu'à la création d'emplois. Vous auriez pu augmenter bien davantage le nombre de contrats aidés, qui ouvrent des perspectives ; nous proposons ainsi la création de 300 000 emplois aidés payés au SMIC sur cinq ans dans les services publics, les services d'aide à la personne et les services à l'environnement. Certes, vous maintenez 100 000 PEC dans la présente mission, auxquels s'ajoutent 120 000 PEC et CIE – contrats initiative emploi – dans le plan de relance, mais quelle est la pérennité de ces mesures ?

Et face aux difficultés financières des collectivités, pourquoi ne revoyez-vous pas à la hausse la participation de l'État dans ces dispositifs, en le modulant entre 75 % et 95 % selon les territoires et la situation des personnes concernées ? Je pense ici très naturellement à l'outre-mer.

Après, vous aurez beau jeu de dire qu'il y a des contrats mais qu'ils ne sont pas utilisés !

La mission « Travail et emploi » de ce projet de budget pour 2021 prolonge aussi les tendances structurelles d'affaiblissement du service public de l'emploi. Là encore, la précarisation de nos services publics est masquée par votre plan de relance.

Le programme « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » ne trouve pas grâce à vos yeux. Vous amputez son budget de plus de 10 % alors que son but est justement d'améliorer le dialogue social et de veiller à la santé au travail, par exemple. Cette baisse est incompréhensible, compte tenu du contexte sanitaire.

Tout aussi incompréhensible est la forte baisse, de 45 %, des crédits dédiés à l'action « Études, statistiques, évaluation et recherche », alors que la situation incertaine entraîne justement un besoin accru de connaissance.

La crise sanitaire a remis en avant les conditions de travail, tant pour les protocoles sanitaires en présentiel que pour l'organisation du télétravail. Quels moyens de suivi prévoyez-vous pour les risques psychosociaux ? Quels sont vos moyens de contrôle en cas d'abus ?

Madame la ministre, vous êtes chargée de cette mission « Travail et emploi » : vous avez donc la responsabilité de tout mettre en oeuvre pour offrir des perspectives à celles et ceux qui souffrent de la pénurie d'emplois. Oui, quelques avancées ont été obtenues grâce au travail des parlementaires – je pense notamment aux territoires zéro chômeur de longue durée, même si vous auriez pu aller beaucoup plus loin sur ce dispositif. Mais les personnes sans emploi ne veulent plus de paroles, mais des actes forts pour sortir enfin de la galère ; elles sont fatiguées d'entendre annoncer des milliards d'euros par ci, des milliards d'euros par là, quand leur situation reste inchangée. À La Réunion, nous avons un proverbe qui dit : « À force d'aller à l'eau, calebasse y pète. » Nos propositions et amendements visent à éviter cela.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.