Intervention de Aurore Bergé

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 15h00
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurore Bergé, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l'éducation :

Depuis près d'un an, la crise mondiale, inédite, que nous vivons a eu des effets terribles sur le monde de la culture. Les auteurs, les artistes, les créateurs nous aident pourtant chaque jour à la surmonter. Notre responsabilité est de nous trouver à leurs côtés dans l'urgence de cette crise, pour sauver l'emploi culturel, la création, mais également dans la durée.

Nous le savons : la crise que connaît le secteur culturel sera longue. Notre pays doit être aux avant-postes pour soutenir la diversité et la souveraineté culturelles. La deuxième vague de l'épidémie a eu de graves conséquences, en particulier sur le cinéma, avec la fermeture des salles et le fort ralentissement des tournages, lorsqu'ils ne sont pas à l'arrêt. A contrario, les grandes plateformes en ligne, qui ont pris un essor considérable lors du premier confinement, devraient continuer leur progression. Et que dire du piratage des oeuvres, véritable pillage qui se poursuit, qui est même reparti à la hausse à l'occasion de ce premier confinement ? Faire contribuer les plateformes à la création française était une nécessité ; c'est aujourd'hui une urgence.

Ce que nous faisons en permettant la transposition de ces directives européennes va durablement transformer le paysage audiovisuel et cinématographique. La France, premier pays à les transposer, montre aussi clairement la direction à suivre aux autres États membres de l'Union européenne, ce qui est heureux. C'est pourquoi il était particulièrement important d'inscrire ce texte à l'ordre du jour et de l'examiner aujourd'hui en nouvelle lecture, en vue de son adoption définitive le 18 novembre. Je reviendrai brièvement sur son contenu, en particulier sur nos ajouts en première lecture.

L'article 24 bis transpose la directive relative au droit d'auteur, qui reprend elle-même en grande partie les dispositions françaises en la matière et les étend à l'ensemble de l'Union européenne. Elle met notamment fin au régime d'irresponsabilité des plateformes. La première lecture à l'Assemblée a permis d'apporter des précisions indispensables, concernant à la fois les dispositions de la directive qui seront transposées et la manière dont elles le seront. Le texte précise désormais que les sites dont l'objet principal est de porter atteinte au droit d'auteur et aux droits voisins, c'est-à-dire les sites pirates, ne pourront pas bénéficier du mécanisme d'exonération de responsabilité. Un autre amendement est venu rappeler le principe de liberté contractuelle dans les relations entre les titulaires de droits et les plateformes.

Au-delà de ces dispositions, la discussion en séance publique a permis d'apporter des garanties aux auteurs et aux artistes-interprètes, à la suite des interventions et des engagements du Gouvernement. Les artistes-interprètes doivent ainsi bénéficier d'une rémunération supplémentaire lorsque leur rémunération initiale est exagérément faible, dans le respect des engagements pris quant au caractère proportionné de cette rémunération. Le Gouvernement s'est également engagé à respecter le principe de proportionnalité dans la transposition de la directive.

Issu d'un amendement déposé en séance publique après le passage en commission, nous avons introduit en première lecture un nouvel article, l'article 24 ter A. Celui-ci est indispensable pour venir en aide au monde de la création après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne relative aux « irrépartissables juridiques ». Dans cette décision, qui défie le principe de réciprocité, la Cour a en effet jugé que les sommes provenant de la diffusion d'oeuvres d'artistes-interprètes résidant hors de l'Union européenne, notamment américains, devaient être reversés à ces artistes, quand bien même les artistes-interprètes européens ne tireraient quant à eux aucun bénéfice de la diffusion de leurs oeuvres aux États-Unis. Ces sommes, qui étaient jusqu'alors justifiées et utilisées sous forme d'aides à la création, atteignent un montant de près de 30 millions d'euros par an. Si nous pouvons déplorer les conséquences de cette décision, nous devons surtout agir pour en limiter les effets. Nous l'avons fait pour le passé, en validant les aides grâce au nouvel article précité ; il faudra aussi sécuriser l'avenir.

Nous réexaminons aujourd'hui l'article 24 ter qui permet de faire contribuer au financement d'oeuvres françaises les chaînes et les plateformes étrangères ciblant la France. Il s'agit d'une avancée considérable. Nous avons notamment permis de sécuriser deux couloirs distincts de contribution, d'un côté pour l'audiovisuel, de l'autre pour le cinéma. Nous avons validé l'association des auteurs aux accords professionnels et l'accessibilité des programmes aux personnes en situation de handicap. La question des « droits monde » a également fait l'objet de prises de paroles explicites : pour le cinéma, seuls les droits acquis au titre de l'exploitation de l'oeuvre en France seront pris en compte pour le calcul de la contribution, et non les droits pour le monde entier. C'est un point essentiel pour le financement de la création.

S'agissant de la contribution à la production indépendante, le Gouvernement s'est engagé, dans le projet de décret, à ne pas y intégrer les investissements des plateformes en parts de coproduction, Je me félicite de cet engagement qui constitue une garantie essentielle pour l'équilibre des relations entre les producteurs et les grandes plateformes.

Enfin, nous avons adopté des amendements visant notamment à renforcer le champ de l'habilitation à la chronologie des médias. Nous donnons ainsi les moyens à l'État de faire avancer les plateformes dans cette chronologie, en contrepartie des nouvelles obligations qui leur sont imposées et qui permettront que nos principes soient respectés.

À l'instar de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, qui a adopté ce texte à l'unanimité, je vous propose de l'adopter conforme, car nous l'avons largement enrichi. Surtout, nous avons le devoir d'agir en urgence pour le secteur culturel, largement et durablement affecté par la crise. Nous savons que nous devrons aller plus loin et plus vite, pour rénover notre régulation et lutter avec plus de moyens et d'efficacité contre le piratage, mais nous pouvons, aujourd'hui déjà, envoyer un signal clair à l'ensemble du secteur culturel.

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