Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du vendredi 6 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Médias livre et industries culturelles ; avances à l'audiovisuel public

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Comme nous l'avons dit lors de l'examen de la mission « Culture », l'année 2020 a été catastrophique pour les acteurs de la culture. À peine rouverts, les lieux de création et de diffusion de la culture se retrouvent à nouveau fermés, alors qu'ils se remettaient à peine des dégâts importants du premier confinement – un chiffre d'affaires en chute de 25 %, soit de 22,3 milliards d'euros.

De manière générale, le groupe Libertés et territoires abordait plutôt favorablement les crédits de cette mission, conscient des efforts consentis mais aussi des limites dorénavant inévitables, dans le contexte du reconfinement.

Le budget du programme « Presse et médias » progresse de 8,2 millions d'euros, et celui du programme « Livre et industries culturelles » de 10,8 millions d'euros.

Néanmoins, en dépit des aides d'urgence et des augmentations de crédits, nous ne pouvons cacher, comme beaucoup, notre inquiétude pour le secteur du livre, à un moment où les librairies sont à nouveau fermées et pénalisées par la concurrence de la vente en ligne.

Nous nous inquiétons aussi pour le secteur du cinéma, alors que l'ensemble des taxes affectées au CNC devraient atteindre 668 millions d'euros, un montant en baisse par rapport à celui de 2020.

Nous nous inquiétons enfin pour les entreprises dépendant du secteur culturel, pas toujours concernées par les mesures d'aide. Je pense, par exemple, aux entreprises de communication chargées de la promotion des films en salle. Nous proposerons un amendement visant à les rendre éligibles au fonds de solidarité.

Les médias – et en particulier la presse – ne sont pas en reste. La crise sanitaire est venue aggraver la situation préoccupante de cette filière qui était déjà, de longue date, en proie à des difficultés structurelles dues notamment à une érosion de la diffusion sur support papier et à une transition numérique inachevée.

À cela s'ajoutent la crise de la distribution de la presse imprimée vendue au numéro et la faillite de Presstalis, que nous avions annoncée et qui n'a fait que confirmer les inquiétudes à l'égard du modèle économique du secteur. Les points de vente sont, eux aussi, fortement affectés, même si certains d'entre eux restent ouverts.

Dans un tel contexte, notre groupe ne peut que saluer la création de deux nouvelles aides au pluralisme : l'une de 2 millions d'euros pour les titres ultramarins d'information politique et générale ; l'autre de 4 millions d'euros pour les services de presse en ligne.

Si les trois précédentes lois de finances avaient eu tendance à stabiliser les crédits alloués aux aides au pluralisme, le budget pour 2021 prévoit une augmentation de 43 % des crédits, qu'il faut souligner. Ces aides sont complétées par la création du crédit d'impôt sur les premiers abonnements à la presse d'information politique et générale, une initiative que nous approuvons même si nous doutons de certaines modalités d'application.

J'en viens au point noir de cette mission : la stratégie du Gouvernement concernant l'audiovisuel public. Nous ne comprenons pas que les réductions d'effectifs et les coupes budgétaires, décidées depuis 2018, se poursuivent dans un tel contexte. À l'époque, ces décisions avaient déjà été prises en l'absence de toute stratégie, sans prévoir la moindre période de transition et d'accompagnement. Elles ont également été prises sans aucune perspective concrète concernant la réforme de la contribution à l'audiovisuel public, rendue pourtant nécessaire par la suppression de la taxe d'habitation.

Compte tenu de la nouvelle donne, nous nous attendions donc à ce qu'un frein soit mis aux coupes budgétaires. Depuis le début de la crise, le service public audiovisuel a en effet joué plus que son rôle en matière d'information de proximité mais aussi d'éducation – à cet égard, l'exemple de France 4 est particulièrement parlant. Nous plaidons donc pour le maintien de cette chaîne, comme nous le faisons depuis l'annonce, en 2018, de son passage en tout numérique. Un sursis est la pire des solutions. La création n'aurait-elle pas besoin d'un temps long ? N'aurions-nous pas besoin encore longtemps de la télévision linéaire et de la télévision numérique terrestre – TNT – pour réduire les fractures ? Continuer à offrir une chaîne destinée aux enfants sans publicité ne serait-il pas une priorité ?

En outre, en dépit des bonnes audiences, les recettes de l'audiovisuel public sont durement affectées. C'est le cas pour France Télévisions dont la perte de recettes publicitaires a été légèrement supérieure à 30 millions d'euros entre mars et avril 2020. Le report d'un an des Jeux olympiques, qui devaient se disputer cet été, devrait accroître le manque à gagner de plus de 10 millions d'euros supplémentaires. C'est le cas aussi de notre audiovisuel extérieur, dont les audiences progressent alors que ses moyens se contractent. Il en va ainsi pour France Médias Monde comme pour TV5 Monde – les recettes de chacune de ces sociétés baissent de 1 à 2 millions d'euros. Faute de compensation, notre audiovisuel public subit un effet de ciseaux, pris entre une crise économique durable et une stratégie de restrictions budgétaires dangereuse.

Nous l'avons déjà dit : un budget doit être au service d'une vision, d'une ambition. Or celle-ci manque pour l'audiovisuel public. Il n'y a d'ailleurs même plus de projets audiovisuels !

Notre vote sera donc sans surprise : en faveur des crédits en hausse de la mission « Médias, livre et industries culturelles », mais résolument contre ceux du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

Enfin, madame le ministre, je voudrais que vous intercédiez pour que l'on cesse de parler d'activités essentielles ou non essentielles. Après la petite phrase sur ces gens que l'on croise dans les gares, qui réussissent ou qui ne sont rien, il y a maintenant cette terrible distinction sémantique. Vous qui êtes attachées aux mots, vous savez qu'ils peuvent aussi faire beaucoup de dégâts. En l'occurrence, c'est tout juste insupportable pour les libraires, les auteurs et les lecteurs. Je sais que vous le savez.

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