Je tiens d'abord, au nom du groupe Les Républicains, à saluer la qualité des travaux menés par les rapporteurs et l'éclairage qu'ils nous ont apporté en commission des affaires culturelles et de l'éducation.
Qu'il est difficile d'examiner ce budget aujourd'hui, alors qu'on peut facilement supposer que l'année prochaine sera, elle aussi, rythmée par de nombreux projets de lois de finances rectificatives, au rythme des confinements et des déconfinements ! Nous traversons une période trouble, qui touche aussi les médias, le secteur du livre et des industries culturelles.
À l'épreuve de l'actualité, j'aurai d'abord un mot pour le secteur du livre : depuis une semaine, c'est avec un pincement au coeur que nous voyons nos librairies fermer, elles qui maillent notre territoire, qui nous font rêver et dans les rayons desquelles les Français aiment s'égarer. Vous le savez, madame la ministre, les appels à leur réouverture se multiplient. Les librairies de proximité, qui se sont organisées et équipées, peuvent parfaitement accueillir les lecteurs dans des conditions sanitaires sûres et éprouvées. Assurer la sécurité sanitaire des Français est primordial, mais nous peinons à comprendre en quoi l'achat d'un livre dans une librairie aggraverait le risque de contamination par rapport à l'achat d'un yaourt dans un rayon d'hypermarché.
L'incompréhension est d'autant plus forte que les mois de novembre et décembre représentent environ 25 % du chiffre d'affaires annuel des librairies, qui sont le coeur battant de toute la chaîne du livre. La décision du Gouvernement apparaît particulièrement difficile après un printemps qui a fait perdre aux librairies 95 % de leurs ventes pendant deux mois, même si l'été et le début de l'année scolaire, miraculeux, ont permis de rattraper une grande partie de ce retard. La remise des prix littéraires au début du mois de novembre joue en outre, en temps normal, un rôle capital dans les ventes de fin d'année, les livres primés par les prix Goncourt, Renaudot, Femina ou Médicis se retrouvant souvent sous le sapin.
Pour l'heure, l'essentiel du soutien à la chaîne du livre en 2021 est inscrit dans la mission « Plan de relance », avec 53 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 29,5 millions d'euros de crédits de paiement. L'investissement sera-t-il suffisant – et surtout, comment sera-t-il réparti entre les acteurs du livre ? Dans le contexte du nouveau confinement, nous ne pouvons qu'être dubitatifs, malgré l'annonce faite hier soir de la prise en charge par l'État des frais d'expédition des livres vendus par les librairies indépendantes, pour favoriser la vente à distance. Cette disposition demeure insuffisante dès lors que beaucoup de librairies accusent un retard dans la digitalisation.
L'année 2021 sera aussi une nouvelle année de bouleversement pour des médias, durement affectés par la crise liée au covid-19. Malheureusement, comme dans les lois de finances pour 2020, 2019 et 2018, le Gouvernement a encore choisi de raboter les dotations de l'audiovisuel public. Dans le projet de budget pour 2021, la ventilation de ces efforts se traduit ainsi par un recul généralisé : 60 millions d'euros pour France Télévisions, 8 millions pour Radio France, 2,1 millions pour Arte et 600 000 euros pour France Médias Monde. Seule TV5 Monde reste stable, tandis que l'INA bénéficie d'une hausse de 1,6 million d'euros. Les PLF précédents – 2018, 2019 et 2020 – accusaient déjà des baisses substantielles : dans un arbitrage gouvernemental rendu à l'été 2018, il était prévu que les ressources publiques affectées à France Télévisions reculeraient de 160 millions d'euros entre 2018 et 2022. Cet objectif sera dépassé en 2021. Nous nous interrogeons donc sur le contenu sur le futur projet de budget qui s'appliquera en 2022 au groupe France Télévisions : sera-t-il à nouveau baissier ou respectera-t-il les engagements pris par le Gouvernement en 2018 ?
Je profite de l'occasion pour souligner, comme je le fais chaque année avec constance, quel scandale constitue le détournement de la taxe dite Copé sur les opérateurs télécoms, laquelle, en 2019, a été définitivement déviée vers le budget de l'État, au détriment de France Télévisions. Même François Hollande n'était pas allé aussi loin ! La taxe Copé échappe ainsi totalement à France Télévisions, alors qu'elle avait précisément été créée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes de l'opérateur. Ces baisses de budget s'inscrivent dans un contexte difficile, avec une crise sanitaire sans précédent, mais aussi la mise à l'arrêt de la réforme de l'audiovisuel public, qui devait déboucher sur la création de la holding France Médias. Nous attendons encore de nombreuses précisions concernant le futur de l'audiovisuel public français, qu'il s'agisse de sa forme administrative, de son budget, de son calendrier ou de ses ressources.
Je mentionnerai une nouvelle fois la question de l'avenir de France 4, qui a bénéficié d'un sursis tardif, jusqu'en août 2021, après avoir fait la preuve – s'il le fallait encore – de son utilité pendant le confinement en proposant des programmes éducatifs.
Tous les secteurs des industries culturelles ont été touchés, notamment le cinéma, inquiet du reconfinement et déjà lourdement pénalisé par les reports de nombreux films, malgré les aides du CNC.
J'évoquerai enfin la situation de la presse en France. Les aides à la presse augmentent après une période de baisse, notamment grâce à la création de deux nouveaux dispositifs : une aide spécifique au pluralisme de 2 millions d'euros pour les titres ultramarins et une aide de 4 millions d'euros aux services de presse en ligne. Je m'en réjouis, ce secteur étant durement affecté par la crise.
En conclusion, pour toutes ces raisons, les députés du groupe Les Républicains s'abstiendront sur cette mission budgétaire.