Intervention de Bénédicte Peyrol

Séance en hémicycle du samedi 7 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Économie ; investissements d'avenir ; engagements financiers de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

En outre elle inquiète les Français. Cet été, à l'occasion d'un tour de ma circonscription, j'en ai rencontré beaucoup qui s'interrogeaient sur notre capacité à rembourser cette dette, ainsi que sur la provenance de cet argent massivement arrivé sur les marchés. Un intéressant sondage Elabe, commandé par Les Échos, Radio classique et l'institut Montaigne, a d'ailleurs été publié cette semaine. Il explique que le niveau de la dette publique inquiète les Français davantage encore que leur situation financière personnelle, même si l'inquiétude liée à cette dernière a également augmenté, eu égard au contexte.

Les effets de la crise sanitaires sont particulièrement flagrants sur la mission « Engagements financiers de l'État ». Pour la première fois depuis longtemps, la charge de la dette augmenterait de 700 millions d'euros, pour s'établir à 38 milliards d'euros. Cette augmentation demeure contenue au regard des besoins de financement importants : 345 milliards d'euros en 2020 et 282 milliards en 2021, contre 220 milliards en 2019. Les crédits du programme 114 « Appels en garantie de l'État » connaissent une hausse de plus de 2 500 % et s'établissent à 2,5 milliards d'euros en 2021, en particulier en raison de l'instauration du PGE – prêt garanti par l'État.

Au sujet de la dette, il ressort de nos auditions que nous sommes confrontés à une « incertitude radicale », pour reprendre une formule employée par l'économiste Jézabel Couppey-Soubeyran. Rares sont ceux qui s'aventurent à des projections à long terme. Pour l'instant, l'annonce du nouveau confinement n'a pas perturbé les marchés, qui demeurent relativement sereins. La période de Noël pourrait changer la donne : l'attitude des investisseurs souverains est difficilement prévisible en cas de déconfinement d'opportunité en fin d'année, suivi d'un retour de mesures sévères, lesquelles supposeraient un contexte sanitaire encore aggravé. À ce stade, il est important de respecter rigoureusement la nouvelle phase de confinement assoupli, afin que nos hôpitaux résistent et que la circulation du virus ralentisse, pour permettre ensuite à notre société et à notre économie de respirer, et d'éviter qu'elles n'étouffent totalement.

La question de la soutenabilité de la dette deviendra sans doute de plus en plus prégnante. Il nous faudra, tôt ou tard, définir une trajectoire de retour à un niveau de dette publique plus modéré. Le Gouvernement a annoncé la création d'un groupe de travail pour formuler des propositions à ce sujet. Je tiens à le saluer. Il nous semble néanmoins indispensable d'y associer la représentation nationale, en particulier les commissaires aux finances.

Mes interlocuteurs me confirment l'intérêt politique et financier de cantonner la dette covid-19 : il s'agit d'assurer une transparence de la trajectoire des finances publiques, tout en amorçant un retour à l'équilibre, afin de ne pas peser, à court terme, sur l'économie. Une réflexion collective doit s'engager sur l'intérêt de cette proposition. Si nous nous orientions vers un modèle similaire à celui de la CADES – Caisse d'amortissement de la dette sociale – , l'enjeu majeur sera de définir la ressource que nous attribuerons au remboursement de la dette. Il s'agit d'un beau débat politique pour 2022 !

Outre la qualité de la gestion assurée par l'Agence France trésor, la facilité dont nous disposons à financer notre dette est directement liée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne – BCE – , qui a lancé un programme de rachat de titres pour 1 350 milliards d'euros. Or nous sommes devenus dépendants des taux bas, qui nous permettent de financer nos dépenses publiques par la dette.

Par ailleurs, il nous faudra être attentifs aux effets de l'évolution de la politique monétaire américaine, sur laquelle la Banque centrale européenne pourrait décider de s'aligner. En effet, la Fed – la Réserve fédérale des Etats-Unis – semble avoir récemment changé de paradigme. L'inflation ne serait plus l'ennemie, remplacée par la trop faible consommation et l'investissement atone. Le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne n'a pas encore formellement débattu du sujet, mais je ne doute pas qu'il le fera dans le cadre de la revue stratégique lancée par Christine Lagarde.

Les détenteurs de la dette verraient plutôt d'un bon oeil les plans de relance qui, comme celui de la France, sont orientés vers l'investissement. Ils restent friands de la dette de notre pays, dont la signature est recherchée. Je tiens à préciser que la part de la détention de la dette par des ressortissants nationaux reste stable, s'établissant, fin 2019, à 46,4 %. Parmi les investisseurs non-résidents détenant de la dette française, 50 % sont européens, 13 % sont asiatiques et environ 8 % sont américains.

Je l'ai dit, la hausse spectaculaire des appels en garantie de l'État marquera également l'exercice 2021. Celle-ci est essentiellement due aux prêts garantis par l'Etat.

Enfin, avant de conclure mon intervention, je tiens à saluer la création du budget vert et le travail exceptionnel accompli par l'administration pour le réaliser, et ce même si j'aurais de nombreuses remarques à faire s'agissant de la méthodologie. La mission « Économie », par exemple, est considérée comme neutre à 100 %. J'en doute fortement, mais nous aurons l'occasion d'en débattre plus largement dans cet hémicycle.

Je vous invite à voter les crédits de cette mission.

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