Intervention de Olivier Véran

Séance en hémicycle du samedi 7 novembre 2020 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Présentation

Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé :

Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y aura eu du débat sur ce texte. Au moment d'adopter définitivement ce projet de loi, les oppositions restent fortes ; c'est ce qui a conduit le Sénat à mener jusqu'au bout la nouvelle lecture. Le Gouvernement, la majorité et les oppositions ont eu des lectures différentes sur plusieurs dispositions : la date de la fin de l'état d'urgence sanitaire, l'instauration du régime transitoire qui suivra, le recours aux ordonnances et, comment ne pas l'évoquer, la déconcentration de la décision d'ouvrir certains commerces.

J'entends la diversité des points de vue, des avis et des convictions que chacun ressent face à une situation aussi complexe qu'inattendue. Dans un tel contexte, décider relève de la gageure, mais il est indispensable de trancher et de protéger. La situation est très préoccupante et, comme je l'ai encore rappelé jeudi en conférence de presse, la deuxième vague est là, et elle est très violente. Une inquiétude forte pèse sur la capacité des services de réanimation et de soins critiques à accueillir les malades dans les jours et les semaines qui viennent. Les mesures de protection décidées la semaine dernière avec le confinement sont dictées par cette inquiétude ; elles reposent toutes entières sur des projections précises à très court terme.

Notre seul objectif, c'est d'être capables de prendre en charge tous les malades qui en auraient besoin. En respectant les règles sanitaires et les gestes barrières, nous aidons les soignants et, sans le savoir, nous sauvons des vies.

Les efforts demandés à nos concitoyens sont considérables. Le Gouvernement en a bien conscience et mesure les sacrifices consentis, individuels autant que collectifs. Je ne veux pas être trop long mais, pour éviter les malentendus, il n'est pas inutile de rappeler ce qui a fondé la position du Gouvernement sur certains points. Les décisions ne sont pas prises sur la base d'un ressenti ou d'une impression, mais sur ce que nous savons aujourd'hui grâce à la science. Chaque décision se fonde sur des projections précises à très court terme. À titre d'exemple, vous avez évidemment pu observer les modélisations de l'Institut Pasteur, qui indiquent différents scenarii avec et sans confinement. Il va de soi que sans les mesures prises le 30 octobre dernier, nous allions droit à la catastrophe.

Premier point de divergence, la date de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Soyons clairs, celle que nous avons choisie ne correspond nullement à un souhait de ne pas revenir devant le Parlement, mais bien à la volonté de donner de la visibilité. Vouloir réduire le délai, ce n'est pas limiter la marge de manoeuvre du Gouvernement, ce n'est pas fragiliser le Gouvernement ; c'est risquer de fragiliser notre système de santé et c'est donner davantage de champ à un virus qui circule à nouveau de manière très active.

Je sais que sur tous les bancs, dans chacune de vos circonscriptions, vous vous tenez aux côtés des soignants ; je sais que depuis le mois de mars, sur tous les territoires, vous êtes attentifs à ce que chacun de nos concitoyens soit protégé face au virus ; je sais aussi que vous vous inquiétez pour tous ceux dont l'activité s'interrompt brutalement. Nous avons les mêmes préoccupations, et nous ne voulons laisser personne sur le bord du chemin.

Si le virus nous a appris quelque chose, c'est que la vérité d'un jour n'est pas forcément celle du lendemain. La situation est encore susceptible d'évoluer, nos connaissances progressent et nous devons sans cesse nous adapter. Le Président de la République a indiqué que la situation ferait l'objet d'une réévaluation régulière ; si d'aventure elle venait à s'améliorer, le Gouvernement pourrait le cas échéant mettre un terme anticipé à l'état d'urgence, comme il l'a d'ailleurs fait à la mi-septembre en Guyane et à Mayotte.

Deuxième point de divergence, le régime transitoire. Je le répète, ce n'est pas un blanc-seing. Ce n'est pas non plus par facilité que nous proposons ce délai : nous sommes convaincus que la sortie de l'état d'urgence sanitaire ne se fera pas du jour au lendemain et que toutes les mesures de protection des Français ne pourront s'arrêter net, sauf à maintenir cet état d'exception jusqu'à la disparition du dernier cas de covid-19 sur notre territoire, ce que personne ne peut considérer comme raisonnable. L'expérience de cet été a confirmé l'utilité d'un régime pouvant intervenir en relais de l'état d'urgence, sans quoi nous laisserions le virus circuler librement, ce qui est inenvisageable. La date du 1er avril 2021 n'a donc pas été choisie au hasard, elle est cohérente avec la clause de caducité que le Parlement a lui-même voulu pour refonder le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire.

Si vous regardez à l'étranger ce qui se passe chez certains des pays voisins, vous verrez que certaines mesures de gestion ont été annoncées pour des durées de six mois. C'est le cas notamment du Royaume-Uni, s'agissant des bars et des restaurants pour tout ou partie du pays. Nous n'avons pas fait de même, mais nous donnons tout de même de la visibilité et conservons des outils pour pouvoir agir en toute situation.

Troisième point de divergence, l'article 4 du projet de loi qui tantôt nourrit des critiques, tantôt déchaîne un certain nombre de fantasmes. Je vous le dis sans appel : il ne conduit pas à un dessaisissement du Parlement, et il a même été inspiré par le débat parlementaire. Les habilitations permettront, en tant que de besoin – j'insiste sur cette modération – , de rétablir, en les adaptant à l'état présent de la situation sanitaire ainsi qu'aux règles de police sanitaire, les mesures d'accompagnement conçues à partir de mars dernier.

Enfin, je dirai quelques mots sur l'ouverture de certains commerces ; je sais qu'à ce propos, le débat est vif. Contrairement à la logique retenue pendant l'été, la fermeture et la restriction des activités est bien la règle, et le maintien de l'ouverture, l'exception. La situation sanitaire actuelle exige des mesures clairement définies au niveau national, assorties d'une territorialisation seulement lorsqu'elle est pertinente sur le plan sanitaire et qu'elle ne nuit pas à la compréhension des mesures. La lisibilité de ces mesures conditionne leur acceptabilité. Personne ne comprendrait que tel type de commerce soit ouvert dans tel territoire et pas quelques mètres ou quelques kilomètres plus loin.

En outre, des différences territoriales risqueraient d'entraîner des brassages de populations liés au risque d'afflux de populations dans les territoires où une certaine catégorie de commerces serait ouverte. Nous le voyons déjà dans les régions frontalières où ont été observés des déplacements de Français au-delà de la frontière, pour se fournir en certains produits chez les pays voisins comme l'Allemagne. Permettre que des mesures différenciées soient prises localement crée donc des brassages de populations ; agir ainsi, ce n'est pas protéger les territoires, et définitivement pas leur faire un cadeau. Nous estimons qu'il est de la responsabilité du Gouvernement de définir les mesures de police sanitaire appropriées et de décider, en tant que de besoin, de procéder à leur déconcentration.

Par ailleurs, d'importantes mesures d'accompagnement sont prises par le Gouvernement pour aider les entreprises affectées par la crise et les mesures de police sanitaire.

Mesdames et messieurs les députés, depuis le début de la pandémie, le Parlement s'est toujours montré à la hauteur de ce défi historique, avec exigence et responsabilité. Le Gouvernement ne s'est jamais dérobé et s'est tenu à la disposition du Parlement pour que les deux chambres assurent pleinement leur mission. J'étais mercredi après-midi devant la mission d'information créée par la conférence des présidents de votre assemblée au mois de mars dernier ; chaque semaine, nous sommes interrogés par les parlementaires à l'occasion des questions au Gouvernement et, chaque semaine également, le cabinet du Premier ministre envoie aux présidents des deux assemblées un bilan des mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire, conformément à l'article L. 3131-13 du code de la santé publique.

Le virus n'épargne aucun territoire, dans l'Hexagone comme en outre-mer. Tous nos concitoyens sont menacés ; nous nous préparons à un choc considérable dans les jours qui viennent. Nos soignants sont déjà sur le front, tous les Français doivent être à leurs côtés et cela commence bien évidemment par leurs représentants.

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