Personne ici, en réalité, sur aucun banc, ne conteste la nécessité, le principe ni l'utilité d'un état d'urgence sanitaire, ni même, depuis quelques jours, voire un peu plus longtemps, la nécessité d'un reconfinement – un tel débat n'avait pas davantage eu lieu au printemps. Face à l'épidémie, les mesures prises – état d'urgence, confinement – sont évidemment nécessaires.
Mais comme je l'expliquais dans mon explication de vote sur la motion de rejet préalable, il n'existe pas une unique façon de faire. Au printemps, alors que nous étions tous sidérés, le Gouvernement et la majorité avaient fait montre d'une capacité d'écoute qui nous avait permis, lors de nos débats – nous étions alors moins nombreux – d'ajuster et d'affiner ce que nous votions : nous ne travaillions pas dans cette ambiance d'affrontement que je trouve non seulement déraisonnable, mais aussi absurde. Je suis en effet absolument convaincu que personne ici n'a totalement raison quant aux mesures adoptées ou à celles qu'il propose – moi le premier !
Je ne crois pas non plus, toutefois, que le fait de vous échauffer parce que vous êtes majoritaires dans l'hémicycle et de rejeter tout ce qui vient de l'opposition crée une ambiance susceptible de garantir l'acceptabilité des mesures par nos concitoyens. Or, si vous retourniez dans vos circonscriptions, vous vous rendriez compte que les Français acceptent de moins en moins vos décisions. C'est le plus grand danger qui menace leur santé, car vous ne ferez pas respecter à coup d'interventions des forces de l'ordre ou de procès-verbaux un état d'urgence, un confinement, un isolement ni des gestes barrières qui sont pourtant indispensables – d'autant que l'hypothèse de la mutation du virus pourrait éloigner la perspective d'un vaccin.
Ne faisons pas à nouveau, cet après-midi, le procès de ceux qui accepteraient ou refuseraient l'état d'urgence. Personnellement, je ne souhaitais pas qu'il soit levé au mois de juillet, car j'estimais qu'une telle décision revenait à envoyer aux Français un message illusoire, laissant croire à un retour à la vie normale.
L'état d'urgence, monsieur le ministre, est une boîte à outils, dans laquelle vous pouvez choisir des dispositions, y compris attentatoires ou privatives de libertés, parce que le Parlement vous y a autorisé. Vous pourrez témoigner de ce que j'avais estimé, au printemps dernier, qu'il fallait vous confier les pleins pouvoirs parce que notre législation ne pouvait pas suivre le rythme du virus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
C'est pourquoi notre premier désaccord avec ce texte porte sur le fait qu'il n'oblige pas le Gouvernement à revenir régulièrement devant le Parlement, d'autant qu'on se demande pourquoi un délai de deux mois maximum avant une éventuelle prorogation n'a pas été retenu comme l'avait fait le gouvernement d'Édouard Philippe. On avait pourtant bien vu alors que nous sommes capables de légiférer très vite quand c'est nécessaire et nous pouvions très bien avoir à nouveau ce débat dans les mêmes conditions. Il ne s'agit pas en l'occurrence de la réduction de la durée de l'état d'urgence mais de la réduction de notre capacité à nous interroger et à débattre ensemble, …