Intervention de Émilie Chalas

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Ce projet de loi de finances s'inscrit cette année dans un contexte particulier, marqué par la crise sanitaire qui frappe notre pays depuis presque huit mois.

Dans le combat permanent contre le virus, la fonction publique permet à la nation de se tenir debout. Je tiens ici à saluer l'exceptionnel engagement et dévouement des 5,5 millions d'agents publics, quels que soient leur statut, leur catégorie et leur fonction, qui oeuvrent chaque jour au service de l'intérêt général.

Sur le plan budgétaire, je me réjouis de la revalorisation des prestations d'action sociale à caractère individuel ou collectif à hauteur de 5 millions d'euros. Dans le prolongement de la trajectoire financière initiée l'année dernière, c'est une évolution positive qui contribuera à améliorer les conditions de travail et de vie des agents de l'État et de leurs familles.

J'ai choisi cette année de consacrer la partie thématique de mon rapport pour avis à la gestion des ressources humaines dans la fonction publique à l'épreuve de la crise liée à la covid-19. En quelques semaines seulement, le cadre réglementaire a été profondément adapté à travers la loi du 23 mars 2020 instaurant l'état d'urgence sanitaire. L'organisation et les moyens de fonctionnement des ressources humaines ont ainsi évolué en un temps record, dans le but de répondre de façon efficace et opérationnelle au confinement de la population. Ainsi, le recours au télétravail s'est massivement développé, mettant en évidence l'étendue des opportunités mais aussi des risques que ce mode d'organisation peut entraîner. Le dialogue social s'est poursuivi par voie dématérialisée, afin de maintenir un contact permanent entre les employeurs publics et les organisations syndicales. Les modalités de mise à disposition des agents ont été assouplies dans le but de faciliter les renforts de personnels, notamment en faveur du versant hospitalier, qui reste bien sûr fortement mis à contribution par la crise sanitaire.

Toutes ces mesures avaient un double objectif : préserver la continuité du service public et protéger celles et ceux qui en assurent le fonctionnement dans la diversité de leurs missions. À ce titre, la suspension du jour de carence pendant l'état d'urgence sanitaire, entre le 24 mars et le 10 juillet 2020, allait dans le bon sens. Cependant, depuis le 11 juillet dernier, force est de reconnaître que la levée de cette suspension suscite une incompréhension légitime. En effet, comment comprendre que les agents mis en arrêt en raison de leur contamination par la covid-19, qu'ils soient symptomatiques ou non, se voient infliger un jour de carence, et pas ceux placés l'isolement en tant que cas contact ? Alors que l'état d'urgence sanitaire a été rétabli sur l'ensemble du territoire national depuis le 17 octobre, je réitère ma demande de retour à la suspension du jour de carence, dans un souci de cohérence et de justice sociale, tant dans le service public que dans le secteur privé.

Au-delà de la nécessaire adaptation du régime juridique, la crise liée à la covid-19 a également conduit à renouveler les pratiques et méthodes managériales. Lors des auditions que j'ai conduites en tant que rapporteure pour avis au cours des dernières semaines, tous les intervenants, dans les trois fonctions publiques, ont souligné la nécessité d'accompagner et de former l'ensemble des agents aux pratiques managériales, notamment en période de crise durable. Je sais, madame la ministre, que vous travaillez avec vos services sur ces enjeux essentiels, qui prendront une dimension capitale dans les années à venir, à l'heure où émergent les premiers retours d'expérience sur la gestion de la crise.

En tant que rapporteure de la loi de transformation de la fonction publique promulguée le 6 août 2019, je souligne que la plupart des textes réglementaires d'application ont été publiés, à l'image des décrets relatifs aux lignes directrices de gestion, à la prime de précarité pour les contrats de courte durée, aux procédures de recrutements contractuels, de ruptures conventionnelles et de contrôle déontologique, ou encore aux nominations équilibrées dans l'encadrement supérieur. Par cette loi, le Parlement a également habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnances.

Outre les ordonnances relatives à la protection sociale complémentaire et à la codification du droit de la fonction publique, j'évoquerai surtout celle relative à la réforme des écoles de la haute fonction publique et aux modalités de recrutement des agents de catégorie A. Soixante-quinze ans après la création de l'ENA – l'École nationale d'administration – par le général de Gaulle, dont nous célébrons aujourd'hui le cinquantième anniversaire de la disparition, cette question revêt une importance fondamentale. Elle participe en effet de la politique d'égalité des chances et de diversité qui constitue une des priorités du Président de la République et de notre majorité. Nous ne devons pas remettre en cause les fondements méritocratiques sur lesquels repose notre modèle républicain, conformément à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui ne prévoit aucune autre distinction que celle fondée sur les vertus et les talents.

C'est précisément pour que nous restions fidèles à ce principe garanti par nos textes constitutionnels que j'ai plaidé, dans mon rapport pour avis sur le budget de l'année dernière, en faveur du renforcement du dispositif des CPI aux écoles de service public. En accompagnant, souvent avec succès, des étudiants de condition modeste dans la préparation des concours administratifs, les CPI constituent de véritables leviers de promotion sociale et de diversification des profils au sein de la fonction publique. À ce titre, je me félicite vivement de la décision du Gouvernement d'en doubler les allocations, qui passeront de 2 000 à 4 000 euros par an en 2021. Cette évolution améliorera sensiblement les conditions matérielles dans lesquelles ces candidats préparent les concours, ce qui contribuera à leur réussite.

Il est temps de passer à la vitesse supérieure : le Gouvernement doit mener au cours des prochains mois une politique ambitieuse, en associant pleinement la représentation nationale aux réformes à venir. Il s'agit là d'un enjeu démocratique décisif pour la fonction publique, bien sûr, mais aussi et surtout pour l'ensemble de nos concitoyens.

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