Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Gestion des finances publiques ; transformation et fonction publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions ; remboursements et dégrèvements

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Permettez-moi tout d'abord de m'extraire un instant du contenu de ces discussions budgétaires pour saluer, à mon tour, l'extraordinaire mobilisation de l'ensemble des fonctionnaires depuis l'arrivée de la crise sanitaire : ceux de la fonction publique hospitalière bien évidemment, mais aussi toutes celles et tous ceux qui ont permis d'assurer la continuité des services publics.

Mais les actes sont plus éloquents que la parole et c'est bien pourquoi nous devons garantir à nos fonctionnaires les meilleures conditions de travail possibles et les accompagner dans cette période si difficile. Cela passe par exemple, madame la ministre, par la suspension du jour de carence. Vous avez publiquement déclaré, le 15 septembre dernier, que « le jour de carence a été rétabli dans la fonction publique car nous ne sommes plus en état d'urgence sanitaire » et que « bien sûr, nous serions prêts à le suspendre à nouveau s'il reprenait ». Or l'état d'urgence a pleinement repris avec l'arrivée de cette deuxième vague, mais le Gouvernement refuse, malgré les différentes alertes, de suspendre à nouveau le jour de carence pour – a minima – la durée du confinement. C'est inacceptable, car on sait que ce jour de carence, comme le soulignent les syndicats dans un courrier qu'ils vous ont adressé, « génère un report du recours aux soins, délétère pour la santé des agents, coûteux pour la sécurité sociale, pouvant favoriser la transmission des pathologies en contrevenant à la prévention de l'épidémie puisqu'il est une incitation à minorer tout symptôme ». Sans parler bien sûr du coût que représente un jour de carence pour les fonctionnaires de catégorie C, les plus nombreux, qui peuvent ainsi perdre de 40 euros à 60 euros, ce qui représente beaucoup d'argent quand on ne touche que 1 300 euros nets à la fin du mois.

La reconnaissance des fonctionnaires dans cette période passe également par l'accompagnement des agents qui ont contracté la covid-19. Je souligne ici à quel point le dispositif de reconnaissance de la covid-19 comme maladie professionnelle, tel que proposé par le Gouvernement, est insuffisant car bien trop restrictif. Après six mois d'attente, le Gouvernement a enfin publié, le 14 septembre dernier, le décret permettant aux personnels soignants atteints par la covid-19 d'être reconnus au titre des maladies professionnelles. C'était indispensable, mais cela reste insuffisant : en ne considérant que les séquelles pulmonaires, le Gouvernement oublie toutes les victimes connaissant des séquelles temporaires ou définitives sur le plan cardiaque, neurologique ou cérébral. Et les grands oubliés de ce dispositif sont tous les autres, les premiers de tranchée, parmi lesquels de nombreux fonctionnaires qui ont assuré la continuité des services publics et sont parfois tombés gravement malades dans l'exercice de leurs fonctions. Les syndicats de la fonction publique sont unanimes sur ce point : le dispositif du Gouvernement doit être élargi et simplifié. Alors que notre pays est confronté à la deuxième vague, il est urgent de témoigner plus de respect à tous ces Français qui se retrouvent de nouveau sur le front. Nous, députés du groupe Socialistes et apparentés, demandons dans une proposition de loi déposée par Régis Juanico et Christian Hutin la création d'un fonds d'indemnisation qui permettra d'apporter une réponse juste et rapide à toutes les victimes graves de cette maladie, dont tous ces premiers de tranchée qui assurent la continuité de nos services publics.

Durant cette période où nos concitoyens ont plus que jamais besoin des services publics, il faut également oeuvrer à renforcer nos administrations de proximité. Or, à la lumière de l'examen des crédits des missions « Gestion des finances publiques » et « Transformation et fonction publiques », nous ne pouvons que constater, une fois encore et à regret, la diminution des moyens alloués aux administrations publiques essentielles pour la nation et pour les Françaises et les Français. La volonté du Gouvernement et de cette majorité de poursuivre les suppressions de postes au sein de la DGFiP est, comme l'ont dit plusieurs intervenants avant moi, injustifiable. Bercy tente de légitimer cette démarche en évoquant la dématérialisation des procédures et la réorganisation territoriale ; mais la dématérialisation n'est pas une fin en soi et elle comporte des risques. Alors que ce gouvernement poursuit coûte que coûte son objectif de 100 % de services publics dématérialisés d'ici 2022, il risque d'abandonner toutes les personnes qui sont exclues du numérique.

Rappelons que le défenseur des droits alertait en 2019 sur le risque de recul de l'accès aux droits et d'exclusion dû à la numérisation des démarches administratives, qui concerne les seniors, mais aussi de nombreux jeunes. La forte diminution des effectifs – 2 135 ETP – du ministère de l'économie et des finances est d'autant plus incompréhensible que ce sont ces administrations qui seront chargées d'animer et de déployer le plan de relance, si cher au ministre Bruno Le Maire. Ce n'est malheureusement pas le seul ministère qui voit ses effectifs amputés : le ministère de la transition écologique, le ministère de l'agriculture et le ministère du travail, qui doivent tous assurer l'effectivité du plan de relance, sont dans la même situation.

Vous l'aurez compris, le groupe Socialistes et apparentés ne votera pas les crédits des missions « Gestion des finances publiques » et « Transformation et fonction publiques », et je le regrette.

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