Je me fais aujourd'hui la voix de Marie-Noëlle Battistel, rapporteure spéciale de la commission des affaires économiques, qui est touchée par le covid-19 et à qui je souhaite un prompt rétablissement.
Force est de reconnaître que le plan de relance promet d'importants investissements dans la politique énergétique au sens large pendant les deux à trois années à venir : 6,3 milliards d'euros pour la rénovation thermique des bâtiments publics et privés, 1 milliard pour la décarbonation de l'industrie, 1,28 milliard pour la prime à la conversion et le bonus écologique afin d'accélérer le renouvellement du parc automobile, près de 1,4 milliard pour créer l'avion vert et, enfin, 2 milliards pour développer la filière hydrogène vert. Les chiffres donnent un peu le vertige. Ces dispositifs sont très attendus par les secteurs économiques concernés et permettront notamment de soutenir les filières industrielles qui sont durement touchées par la crise économique aiguë et dont l'horizon est bien incertain.
Et pourtant, si ces efforts financiers sont louables, ils apparaissent biaisés lorsque l'on considère l'évolution des crédits budgétaires dont on m'a confié l'examen. L'enveloppe d'aide à l'achat de véhicules moins polluants compense pour partie le recul net de 290 millions d'euros des dotations budgétaires durables affectées par le programme 174, « Énergie, climat et après-mines », à ces mêmes aides. Le montant total de ces crédits n'est toujours pas à la hauteur des objectifs d'électrification du parc automobile.
Quant au dispositif MaPrimeRénov', le doublement de ses dotations dans le programme 174 est le strict résultat de la substitution de la prime à l'ancien crédit d'impôt transition énergétique, le CITE. En 2021, l'addition de ces crédits avec l'enveloppe annuelle relevant du plan de relance pour accélérer le traitement des passoires thermiques n'arrive même pas au niveau du CITE en 2018. L'utilisation de ces moyens est censée être plus ambitieuse et privilégier des rénovations globales : j'approuve. Mais précisément, si l'on tient compte du coût global d'une rénovation performante, ces crédits ne permettraient de financer la rénovation que d'à peine 200 000 logements, ce qui est très loin de l'objectif que vous vous êtes fixé de 500 000 logements rénovés par an.
Même déception, enfin, concernant les énergies renouvelables. Le seul effort supplémentaire de l'État portera sur l'hydrogène vert, déjà évoqué, qui n'est pas une source d'énergie renouvelable à proprement parler. Son développement est une avancée bienvenue, mais le chemin est encore long avant d'aboutir à une production d'hydrogène réellement décarbonée et cette solution ne suffira pas pour relever le défi de l'indispensable transition énergétique. Or, si les crédits du programme 345, « Service public de l'énergie », augmentent de 1,2 milliard d'euros en 2021, ils se décomposent comme suit : 376 millions pour couvrir l'augmentation des surcoûts liés à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, 295 millions pour suivre la croissance du volume annuel de biométhane injecté dans les réseaux, 580 millions pour la poursuite du développement en métropole des filières de production d'énergie renouvelable.
Ces 580 millions pourraient apparaître comme une belle progression s'ils ne s'inscrivaient pas dans la stricte ligne de la programmation pluriannuelle de l'énergie. De fait, le budget de l'État pour 2021 ne prévoit aucun moyen pour accélérer le développement des énergies renouvelables – ENR – en étant à la hauteur de nos ambitions et, surtout, de l'urgence climatique. Pour tous mes espoirs déçus, j'ai donné en commission des affaires économiques un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'énergie, mais la commission, quant à elle, a émis un avis favorable.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas le dispositif de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique – ARENH – , auquel j'ai consacré mes travaux cette année, qui a significativement contribué au développement des énergies renouvelables. Ce n'était certes pas son objectif mais je déplore que les fournisseurs alternatifs, qui bénéficient grâce à ce dispositif d'un approvisionnement à meilleur marché et sans risque, aient globalement peu investi dans leurs outils de production.
Je me suis intéressée à ce mécanisme, parce qu'il est à la fois un instrument de régulation du marché de l'électricité et une référence pour l'établissement des tarifs régulés de l'électricité. Mis en place en 2011, ses objectifs visaient à ouvrir le marché de l'électricité aux fournisseurs autres qu'EDF, et à permettre aux consommateurs de bénéficier durablement de prix reflétant les coûts amortis du parc nucléaire historique, quel que soit leur choix de fournisseur. On peut considérer qu'ils ont été atteints : les fournisseurs alternatifs se sont solidement installés sur le marché et nos concitoyens comme les entreprises ont bénéficié d'un prix stable pour une grande partie de leur consommation. Cependant, victime de son succès, le dispositif montre ses limites.
En tout état de cause, je considère pour ma part qu'il doit être réformé rapidement, avant l'échéance de 2025. Il est indispensable, pour l'avenir de notre souveraineté énergétique, que ses éléments fondamentaux reposent sur le prix le plus juste possible, correspondant à la couverture de tous les coûts liés au nucléaire et équitable pour tous. Quel calendrier peut-on espérer, madame la ministre, pour la remise à plat du dispositif de régulation ? Comment garantirez-vous la pérennité d'EDF sans surrémunérer ses investissements ?