Intervention de Loïc Prud'homme

Séance en hémicycle du lundi 9 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Prud'homme :

Le périmètre de ce rapport spécial inclut assez logiquement un sujet majeur qui devrait vous mobiliser entièrement : celui de l'urgence écologique et de ses conséquences, défi majeur pour l'humanité. Nous devons protéger les écosystèmes, à commencer par ce qui en constitue le réseau le plus vital, celui qui permet la vie, comme le sang irrigue notre corps – je fais bien sûr allusion au réseau hydrographique et donc à l'eau, notre bien commun le plus précieux.

Mais cela n'est pas le seul enjeu et, pour prendre en considération les multiples défis qui se dressent devant nous, nous devons nous doter des moyens publics nécessaires, indispensables même, pour faire face, anticiper, adapter, bifurquer. Les opérateurs relevant du périmètre de cette mission sont donc essentiels à plus d'un titre. Je ne donnerai que quelques exemples, mais je signale que nous nous battons contre des logiques austéritaires appliquées à l'ensemble de ces opérateurs depuis le début du quinquennat. La bifurcation écologique ne peut pas avoir pour maxime de faire mieux avec moins, un peu moins chaque année, pour finir par faire peu avec rien.

Les agences de l'eau et l'OFB sont les piliers de la protection des milieux et l'IGN – Institut national de l'information géographique et forestière – intervient dans la surveillance de l'érosion côtière, entre autres. Sans les agents de Météo France, comment prédirait-on les épisodes cévenols, la tempête Alex et toutes celles à venir ? Sans le CEREMA, quel bureau d'expertise public pour penser un nouvel aménagement du territoire ?

Le domaine de la prévention des risques est particulièrement touché. L'action « Prévention des risques technologiques et des pollutions » subit une coupe de 27 millions d'euros. L'institut national de l'environnement industriel et des risques doit perdre encore treize ETP. Quelles leçons ont donc été tirées des accidents d'AZF et de Lubrizol ? Aucune, visiblement. Quelles conclusions, de la situation scandaleuse du bassin pétrochimique de Lacq ? Aucune, non plus. Pourtant, sur ce site des Pyrénées-Atlantiques, la faillite de l'auto-contrôle des industriels est flagrante, à moins de prétendre que des rejets de bromopropane 196 000 fois supérieurs aux normes seraient anodins pour la santé et l'environnement – et ce n'est qu'un exemple. Les ICPE – installations classées pour la protection de l'environnement du site – , comme partout sur nos territoires, n'y sont quasiment jamais contrôlées et la population, non seulement en paie le prix sur sa santé, mais doit en plus se battre contre l'opacité qui entoure ces pratiques, se battre contre l'omerta des autorités de santé sur les études épidémiologiques, se battre contre la complaisance cynique de certains élus et, maintenant, se battre contre le démantèlement de l'État, normalement chargé de les protéger.

C'est à dessein qu'on soumet cette mission à une austérité d'une ampleur inouïe. Le ministère et ses opérateurs ont perdu au total 8 195 ETP depuis 2017. Avec la suppression de 1 314 ETP prévue pour 2021, on s'achemine vers une suppression de 15 % des effectifs depuis le début du quinquennat du président Macron.

Nous subissons d'ores et déjà les effets concrets du réchauffement climatique. La biodiversité s'érode à un rythme sans précédent. Les rapports scientifiques qui tirent la sonnette d'alarme s'accumulent. Nous ne pouvons cautionner un tel affaiblissement de l'État à rebours de l'urgence écologique et de l'impératif de planification, contraire à l'intérêt général et à la protection de la santé de nos concitoyens.

En l'état, le groupe de La France insoumise ne peut pas voter en faveur d'un tel budget : nous avons donc déposé une série d'amendements se voulant à la hauteur des enjeux.

Opérer la bifurcation écologique ne peut se faire sans investir des moyens importants dans les opérateurs de l'État, qui sont engagés au quotidien. C'est pourquoi nous vous proposerons notamment le relèvement de 200 ETP, dédiés à l'inspection des sites classés, l'augmentation des dotations du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier, pour assurer une véritable politique de prévention des risques naturels, et l'augmentation des crédits alloués à plusieurs opérateurs essentiels.

Madame la ministre, mes chers collègues, votre doctrine visant à faire mieux avec moins revient en vérité à tourner la tête pour faire semblant de ne pas voir les conséquences de votre politique, qui voudrait s'affranchir des réalités physiques. Mais la croissance infinie dans un monde aux ressources limitées, c'est plus qu'une impasse, c'est un chemin vers l'abîme.

Madame la ministre, le 4 novembre 2019, vous teniez ici-même les propos suivants : « Nous sommes en train de pleurer pour huit ETP et nous devons tous être conscients du caractère presque absurde de la situation où nous en arrivons. Mais si nous en sommes à voter à l'unanimité un tel amendement, c'est parce que nous arrivons au trognon. » Alors, madame la ministre, je vous pose la question : qu'y a-t-il après le trognon ?

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