Intervention de Laurence Vichnievsky

Séance en hémicycle du mardi 17 novembre 2020 à 21h00
Sécurité globale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vichnievsky :

La proposition de loi que nous examinons s'est fixé des objectifs que beaucoup d'entre nous peuvent partager : rassembler toutes les forces de sécurité intérieure – police nationale, gendarmerie, police municipale et agences de sécurité privées – pour donner à nos concitoyens ce que ses auteurs, nos rapporteurs, appellent justement un « continuum de sécurité ». Il s'agit, tout en conservant la spécificité de chacune de ces composantes, d'organiser de manière rationnelle leur complémentarité et leur synergie.

Les forces nationales de l'ordre, parmi lesquelles j'inclus évidemment les militaires de la gendarmerie, doivent garder leur caractère structurant en matière de sécurité globale parce qu'elles sont doublement compétentes : compétentes juridiquement pour agir sur l'ensemble du territoire national et mener des enquêtes d'initiative ; compétentes par leur formation et leur expérience.

Il importe que les polices municipales montent en puissance – plusieurs maires l'ont récemment réclamé et nous les en félicitons. Elles ne doivent plus être cantonnées aux tâches de circulation à la sortie des écoles et les maires adjoints qui les dirigent ne doivent plus être désignés sous les termes de « délégués à la tranquillité publique » comme si le mot de « sécurité » était un gros mot. Il y a bien sûr, en contrepartie, un gros effort à faire en matière de formation et une grande vigilance à observer dans le recrutement des agents.

Pour les agences privées de sécurité, la vigilance est aussi de mise, une vigilance renforcée même. Il faut s'assurer que les missions de surveillance et de protection des personnes et des biens qui se rattachent à l'offre de sécurité globale soient effectuées dans des conditions garantissant la prise en compte de l'ordre public. À cet égard, la sous-traitance doit être strictement encadrée pour assurer un réel contrôle du donneur d'ordre sur l'identité de l'exécutant final. Nous pensons également qu'en cas de condamnation figurant au bulletin no 2 du casier judiciaire, le tribunal qui a jugé l'affaire est mieux placé qu'une commission de nature administrative pour apprécier la compatibilité avec l'exercice d'une activité de sécurité privée. C'est une question de séparation des pouvoirs.

Venons-en au point qui nous préoccupe le plus : l'article 22. Alors que la technologie des caméras installées sur les drones permet une reconnaissance individualisée des personnes participant à une manifestation, nous sommes inquiets qu'aucune disposition ne vienne interdire cette intrusion de l'État dans la vie privée des citoyens. Le droit de manifester pacifiquement, sans crainte d'être fiché par les autorités publiques, ne doit faire l'objet d'aucun compromis. Nous ne voulons pas ouvrir la porte demain à la reconnaissance faciale des manifestants, telle qu'elle se pratique à Hong-Kong. Mon collègue Philippe Latombe s'exprimera plus longuement sur ces sujets lorsqu'il défendra les amendements de notre groupe relatifs à la vidéoprotection.

Concernant l'article 24, il semble difficilement envisageable qu'en France, il soit interdit aux agences de presse et aux citoyens de diffuser l'image du visage d'un policier ou d'un gendarme agissant dans le cadre d'une opération de police. Cela serait contraire à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en particulier à son article 11 qui fait de la libre communication des pensées et des opinions « un des droits les plus précieux » et à son article 12 qui rappelle que la force publique est « instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée ».

Je sais bien que l'incrimination prévue par cet article est conditionnée par l'intention des auteurs de porter atteinte à l'intégrité physique ou psychique des policiers ; mais la tradition de notre droit pénal, qui s'inspire des Lumières, veut qu'un comportement légal ne se transforme pas en un crime du seul fait de l'intention de la personne. La prohibition des délits d'intention est même l'un des fondements de notre droit pénal.

Enfin, mes chers collègues, et c'est heureux, nos forces de l'ordre, en cas d'agression ou de harcèlement, sont aujourd'hui déjà protégées par les dispositions en vigueur du code pénal et par la loi de 1881 sur la presse.

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