Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du mardi 17 novembre 2020 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2021 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Deuxième critique : ce budget place une épée de Damoclès au-dessus des finances publiques.

Lors de la discussion générale, je vous parlais d'incertitudes. Celles-ci se sont depuis muées en inquiétudes graves. Elles portent notamment sur la soutenabilité de la dette publique. En 2021, celle-ci atteindra 120 % du produit intérieur brut : ça n'est que 500 milliards d'euros de plus que la trajectoire dessinée par la loi de programmation des finances publiques ! Pour vos successeurs, monsieur le ministre délégué, la situation deviendra intenable en cas de remontée des taux d'intérêt, ce qui finira bien par arriver.

Tout n'est pas imputable à la crise actuelle. Ainsi, notre déficit structurel – sans prise en compte de l'impact de la conjoncture – est supérieur en 2021 à 3,6 % du PIB dans vos estimations. Où sont donc les économies structurelles, monsieur le ministre délégué ?

Autre indicateur qui donne le tournis : l'État se finance cette année par un endettement brut de 260 milliards d'euros, montant presque égal au produit de l'ensemble des impôts pour l'État, à savoir 271 milliards.

Troisième critique : votre plan de relance à 100 milliards est, dans une large mesure, un effet d'annonce. De fait, ce montant global est à relativiser. Dans ces 100 milliards, on trouve, pêle-mêle, 15 milliards d'euros de mesures déjà engagées, notamment en 2020 – à travers, par exemple, la recapitalisation de la SNCF et l'aide aux collectivités territoriales pour plus de 4 milliards d'euros chacune ; 14,9 milliards de mesures sans effet sur le déficit public parce qu'elles ne constituent pas des dépenses immédiates, qu'il s'agisse de prises de participation, de garanties ou de prêts, ou parce qu'elles sont portées par Bpifrance ou la Banque des territoires ; 10 milliards d'euros de baisse des impôts de production, mesure que nous approuvons mais qui concerne la compétitivité plutôt que la relance.

Bref, vous mélangez allégrement les choux et les carottes. Et en 2021, ce seront en définitive 22 milliards qui seront payés au titre du plan de relance.

Quatrième critique : la relance écologique se fait sans les collectivités territoriales.

Parmi les priorités du plan de relance, la dimension environnementale est mise en avant mais, si des progrès sont à souligner, nous sommes loin du pas de géant annoncé par le Premier ministre. Certes, nous nous réjouissons de l'élargissement du dispositif MaPrimeRénov', qui contribuera à l'accélération du mouvement de rénovation thermique ; mais nous regrettons que le dispositif de soutien à la construction ne soit pas à la hauteur.

Aujourd'hui, les collectivités locales portent 52 % de l'investissement lié à la transition écologique dans des secteurs aussi structurants que les transports en commun, la gestion des déchets ou le traitement de l'eau potable, pour prendre quelques exemples. Comment, dans ces conditions, pouvez-vous créer la confiance alors même que les incertitudes liées aux ressources des collectivités locales, et surtout à la chute de leur autofinancement, sont majeures ?

Ma cinquième et dernière critique porte sur la faiblesse du volet social de ce PLF.

L'insuffisance de mesures de solidarité visant à protéger les Français les plus fragilisés est manifeste. Des dispositifs ont certes été mis en place : je pense au chômage partiel, lequel a constitué un filet de sécurité pour les salariés, mais seulement pour ceux titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Je n'oublie pas non plus que vous avez un peu corrigé le tir, fin octobre, avec dix-neuf mesures de solidarité complémentaires. Ces dernières restent toutefois insuffisantes, compte tenu du durcissement des contraintes sanitaires et de l'installation durable du chômage et de la précarité.

Certains publics risquent de basculer dans la pauvreté. Le Secours catholique estime ainsi, dans son dernier rapport, que près de 10 millions de Français, soit 16 % de la population de notre pays, vivront en dessous du seuil de pauvreté. L'urgence commande de reconduire les principaux dispositifs de soutien jusqu'au printemps, tout en redimensionnant les mesures visant à renforcer les fonds propres des entreprises et à soutenir les ménages les plus vulnérables.

Au début de l'examen du budget, je vous ai indiqué, monsieur le ministre délégué, que nous l'évaluerions au vu de sa capacité à rétablir la confiance. Vous comprendrez donc aisément les raisons qui poussent la quasi-totalité des membres du groupe Libertés et territoires à voter contre le projet de loi de finances pour 2021.

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