Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du jeudi 19 novembre 2020 à 9h00
Sécurité globale — Article 4

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

… et Tan, notamment – , qui ont défendu cette disposition il y a encore peu de temps. Il était important de le souligner.

Je voudrais également revenir sur un point évoqué par M. Lagarde qui me semble frappé au coin du bon sens : la concurrence entre polices municipales, qui ne concerne d'ailleurs pas uniquement Paris et les communes environnantes. Comme vous le savez, monsieur Lagarde, les policiers municipaux étant peu nombreux – surtout ceux qui sont réputés – , il existe un véritable « mercato », c'est le mot. Ce n'est évidemment pas très sain, et les différences de traitement existant entre les polices municipales, selon que les maires décident de les armer ou non, que la politique publique de sécurité est plus ou moins dure, ne peuvent à elles seules l'expliquer.

La rémunération est également un facteur important, et l'impossibilité, dans la fonction publique territoriale, de leur offrir les mêmes avantages qu'aux autres fonctionnaires municipaux – notamment en matière de primes – , handicape grandement une égalité de traitement déjà structurellement mise à mal par les différences de rémunération, qui découlent de la libre administration des collectivités. Les communes peuvent en effet modifier la politique salariale comme elles le souhaitent. L'impossibilité de verser une prime peut entraîner la rémunération d'heures supplémentaires qui, souvent, ne sont pas effectuées, comme l'ont d'ailleurs largement souligné la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ; c'est un handicap, car cela crée une très forte distorsion de concurrence et un « mercato » défavorables à la stabilité des polices municipales dans telle ou telle commune.

Nous avons essayé de corriger ce problème en commission avec l'adoption d'un amendement. Nous étions d'ailleurs en désaccord avec une partie du groupe Dem sur les exceptions à l'obligation, pour les policiers municipaux formés par une commune, de lui devoir des années d'exercice avant de pouvoir envisager un transfert. Comme c'est déjà le cas pour les agents des grands corps de l'État, qui, après avoir été formés, lui doivent des années de service, nous avons prévu une exception à l'engagement de service pour des motifs liés à la vie personnelle. Mais je ne pense pas que ce soit suffisant : nous devons mener un travail plus profond pour rendre moins fluides des transferts qui ne seraient pas fondés sur la seule volonté de l'agent public, mais justifiés par les inégalités et une politique du mieux-disant ne servant pas, pour le coup, les intérêts des communes les plus pauvres, qui ne peuvent pas s'aligner sur les conditions offertes par les communes les plus riches. Je partage tout à fait ce point de vue, que j'ai moi-même eu à subir, et il faudra corriger ce problème.

Cela me permet cependant de dire un mot à propos d'autre chose. Il me semble qu'il incombe au CNFPT et aux collectivités locales, dans le cadre de leur libre administration, de mieux s'organiser. Monsieur Lagarde, il n'appartient pas au Parlement ou au ministre de régler le statut de la fonction publique territoriale. Des évolutions sont souhaitables, que j'ai essayé d'apporter dans le projet de loi de transformation de la fonction publique, que j'ai eu l'honneur de présenter au Parlement avec Olivier Dussopt, mais elles ont été refusées, notamment par les collectivités locales. Je pense qu'on a loupé quelque chose à ce moment-là, et il nous faudra recommencer.

S'agissant spécifiquement de Paris, vous avez évoqué la difficulté à y créer une police municipale et l'aspiration que celle-ci pourrait entraîner vis-à-vis des polices municipales de banlieue. Nous avons décidé que le statut des policiers municipaux de la ville de Paris serait défini par un décret, pris en Conseil d'État, afin de supprimer toute concurrence indue et d'assurer son homologie avec le corps, très spécifique, des fonctionnaires de la mairie de Paris, qui n'appartiennent pas à la fonction publique territoriale lambda – c'était d'ailleurs un point de désaccord avec la maire de Paris et avec les signataires d'amendements visant à supprimer cette disposition. Il existera donc des conditions de sélection et de formation spécifiques, à charge pour le Conseil d'État d'assurer – je m'y engage devant vous – l'absence de toute différence de traitement avec les autres collectivités, afin que la police municipale parisienne ne soit pas un aspirateur qui handicaperait les villes de banlieue. Je pense que vous pouvez donc être rassurés par la rédaction actuelle de l'article.

Je voudrais également donner quelques indications de calendrier, puisque cela m'avait été demandé en commission – cela intéressera, j'imagine, les élus parisiens, notamment Mme Kuster, qui est très impliquée sur la question et en a parlé tout à l'heure. Si vous adoptez la proposition de loi, le ministère de l'intérieur travaillera avec la ville de Paris à l'écriture des décrets, conformément à la volonté du législateur, en « temps masqué », si j'ose dire, afin qu'ils soient rédigés d'ici à décembre 2020, c'est-à-dire, je pense, avant même la promulgation de la loi défendue par M. Fauvergue et Mme Thourot. Une fois cette publication intervenue et validée par le Conseil constitutionnel, nous saisirons pour avis la direction générale de la fonction publique, DGFP, ainsi que la direction du budget, qui s'expriment toujours sur les textes propres à la fonction publique – un travail interministériel a évidemment déjà débuté. Dès février, le conseil de Paris et le conseil supérieur des administrations parisiennes pourront donc prendre les décisions qu'ils souhaitent.

Madame Kuster, j'ignore la teneur des débats qui ont eu lieu au conseil de Paris, mais c'est bien lui qui choisira s'il arme ou non sa police municipale. Le texte que nous vous présentons, avec les rapporteurs, ouvre les deux possibilités. Je ne souhaite pas qu'on oblige la police de la ville de Paris à s'armer : cela relève du choix souverain du conseil de Paris. Je pense, pour ma part, qu'il serait bon qu'elle le soit, mais ce n'est que mon avis personnel, et la loi n'a pas à l'obliger ou à l'empêcher. À partir de février, vous pourrez avoir ce débat, lorsque la maire de Paris souhaitera le mettre à l'ordre du jour du conseil. Une fois la délibération adoptée par le conseil de Paris, le Conseil d'État sera saisi, avant une publication du décret entre avril et mai. La police municipale parisienne pourra alors réellement exister.

Je voudrais enfin appeler l'attention sur deux derniers points – et je suivrai ensuite l'avis des rapporteurs sur les amendements en question.

D'abord, la ville de Paris devra porter une attention toute particulière à la formation de ses agents, notamment des ASVP et autres personnels qui officient actuellement dans une sorte d'administration de sécurité de la voie publique parisienne et basculeront dans la police municipale. En effet, pour devenir policier municipal, il faut suivre au moins six mois de formation – y compris si l'on est un ancien policier national ou gendarme – , durée portée à neuf mois pour les cadres A. Afin que la police municipale soit opérationnelle le plus rapidement possible, il faut que la ville de Paris anticipe ces délais. Les débats ont d'ailleurs montré l'importance pour les policiers municipaux de suivre une formation particulière, car ils disposent de pouvoirs importants qui la nécessitent.

Ensuite, Mme Kuster demandait que le ministère soit aux côtés de la ville de Paris ; j'ai déjà dit à la maire de Paris que le ministère de l'intérieur, à travers la préfecture de police de Paris mais également la police nationale et la gendarmerie nationale, se mettait à sa disposition pour concevoir et appuyer la formation de cette police un peu exceptionnelle, notamment en raison du nombre important de policiers municipaux, dans des conditions qu'il aura fixées.

Le vote de l'article 4 est un moment très important. L'article laisse à la ville de Paris le choix de se doter ou non d'une police municipale et, le cas échéant, de l'armer, donc d'entrer dans l'expérimentation prévue à l'article 1er, ou non. Et ce choix, c'est avant tout à la majorité parlementaire que nous le devons.

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