Vous avez raison, monsieur Jumel. Certains m'ont dit, y compris à l'instant : « Peut-être l'article 24 n'est-il pas très heureux, mais enfin, il n'a pas de conséquences, il ne permet pas de caractériser une infraction, tout figure déjà dans le code pénal, à quoi bon réinventer l'eau tiède ? » Reconnaissez que ces positions suscitées par l'article 24 sont pour le moins contradictoires. Peut-être le débat parlementaire nous aidera-t-il, c'est sa vocation, à trouver la vérité, car, pour ma part, je ne crois ni à la première thèse ni à la seconde.
En premier lieu, pourquoi inscrire dans la loi une telle disposition ? Vous le savez, quand nous faisons la loi – je dis « nous » car, si vous votez les textes, il arrive au Gouvernement d'en proposer, et j'ai gardé de mon précédent mandat un fort respect du législateur – nous devons être très précis, notamment en matière pénale, où il faut qualifier l'infraction le plus précisément possible.
Je vous le dis comme je le pense, madame Dumas : aujourd'hui, la qualification des infractions commises par ceux qui menacent les forces de l'ordre ou diffusent leur image dans l'intention expresse et manifeste de leur nuire – en appelant à la tuerie, aux coups, à la vengeance – n'est pas suffisamment précise pour permettre une éventuelle condamnation. C'est pourquoi la proposition de loi des parlementaires et l'amendement du Gouvernement doivent prévoir une qualification pénale précise. Il s'agit de caractériser non la menace, si je puis me permettre de vous corriger, mais le fait de jeter les forces de l'ordre en pâture et de diffuser un état d'esprit, une atmosphère qui visent manifestement à leur nuire. Cette qualification n'existe pas dans le code pénal.
Mme Le Pen s'est étonnée, trouvant l'article mal écrit et l'amendement du Gouvernement imprécis, notamment s'agissant du terme « psychique ». Je la renvoie au chapitre II du code pénal : « Des atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne ». Et, pour la qualification pénale, le Gouvernement et tous ceux qui souhaitent adopter l'article ne font que reprendre une loi adoptée il n'y a pas si longtemps, en 2015, sous un autre gouvernement, qui ne m'a pas semblé particulièrement attentatoire aux équilibres du code pénal ni aux libertés publiques.