L'article 24 est important, problématique et, en définitive, dangereux, parce qu'il cristallise et polarise un malaise quant à la place et au rôle de la police dans notre société. Ayons à l'esprit que la liberté d'expression va de pair avec la liberté d'informer dans le respect des personnes.
Du côté de la police, cette disposition peut être vécue comme « rassurante », à un moment où s'opère une forme de confusion, qui a pris de l'ampleur sur les réseaux sociaux, entre violences policières illégitimes et usage légitime de la force. Elle est vécue favorablement, car les mots du droit paraissent compenser une perte de légitimité de la police, qui devrait être une police de proximité, acquise à la protection de toutes et tous, notamment des plus fragiles et des plus modestes. Malheureusement, cette police de proximité a disparu et n'est jamais vraiment revenue. Elle est vécue favorablement, car la parole publique, celle qui rassure, est en crise. Trop souvent, l'État annonce ou promet son retour, mais agit en sens contraire.
Du côté des citoyens, cette disposition est comprise comme un manque de confiance, alors même que la confiance de la population dans sa police est un objectif fondamental. De façon plus générale, il existe un principe de fond, celui de la transparence de l'action publique et de la responsabilité de l'agent public. Sans ce principe, les affaires Geneviève Legay ou Benalla n'auraient pas été documentées ni connues. Je note que cela va malheureusement dans le sens de l'oubli des affaires où la violence a tué sans distinction des circonstances, au nom d'un intérêt supérieur.
Je note par ailleurs que les tribunaux correctionnels ont déjà prononcé des peines de prison ferme à l'encontre de celles et ceux qui prenaient des images de policiers et les diffusaient. Il n'y a donc pas besoin d'une disposition nouvelle et spécifique.
La rédaction de l'article 24 se révèle, de surcroît, très floue. Et comme une ministre l'a dit un jour, « quand c'est flou, il y a un loup » !