Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du vendredi 20 novembre 2020 à 15h00
Sécurité globale — Article 24 (appelé par priorité)

Gérald Darmanin, ministre :

c'est le propre de la vie politique, qui fait qu'on peut être interpellé, critiqué, voire montré du doigt ou calomnié – c'est mon cas depuis quarante-huit heures – , comme si je n'aimais ni la liberté d'expression ni la liberté de la presse, alors que tout mon parcours est celui d'un républicain. Ce sont les vicissitudes du débat politique, et surtout la loi de la jungle des réseaux sociaux. Cela étant, ne nous plaignons pas de faire de la politique, car c'est l'une des plus belles activités pour un citoyen qui aime son pays.

Je prends le risque du piège, monsieur Lagarde, et je ne suis d'ailleurs pas certain que ce soit un piège. Je le prends, parce que, tous les jours, je regarde dans les yeux des policiers et des gendarmes à qui je dois garantir la protection de l'État.

Je prends donc le risque même si ce n'est pas simple, car c'est d'une main tremblante qu'on doit toucher le code pénal, et nous avons raison de passer à la torture les textes que proposent le Gouvernement ou les parlementaires. Mais, quand ont été validés tous les arguments de bons sens et de droit, et que ce qu'on nous oppose ne procède plus manifestement que d'une volonté de s'en prendre aux institutions, il me semble – et je respecte l'ensemble de vos votes – que la bonne foi implique de vouloir protéger les policiers.

J'ai pris un peu de temps mais c'était important, car le rejet de ces amendements de suppression signifierait que l'Assemblée nationale affirme que si cet article peut être modifié et amélioré, elle en accepte le principe.

J'en reviens enfin à vous, monsieur le président Mélenchon, et je crois apporter des arguments de fond. Je peux comprendre qu'on ne souhaite pas de nouvelle incrimination pénale et qu'on juge que c'est une arme trop grosse pour la bête qu'on essaie d'attraper. Je ne partage pas ce point de vue, mais je le respecte, puisque celui qui l'utilise reconnaît qu'il y a un problème, et que cet article 24 tente de le régler. Ce que j'ai plus de mal à comprendre, c'est que vous déniiez toute légitimité à l'ensemble des institutions qui sont censées nous représenter et qui font fonctionner la République. Nous avons un débat public, long mais nécessaire. Puis ce sera le Sénat, et de nouveau l'Assemblée, une nouvelle fois le Sénat, puis, à la toute fin, l'Assemblée. Les institutions parlementaires sont là. Il y aura ensuite le Conseil constitutionnel, qui jugera de la conformité de la loi par rapport à la Constitution.

Puis il y aura les policiers et les gendarmes, qui appliqueront la loi de la République, votée par les parlementaires et validée par le Conseil constitutionnel. Enfin, il y aura la justice, le procureur de la République d'une part, les juges, d'autre part, et les différents degrés d'appel, chargés de faire appliquer le code pénal, conformément à l'intention du législateur. J'ajoute qu'à la toute fin, le Conseil constitutionnel pourra encore être saisi par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité.

Selon vous, avec cet article, il n'y aurait jamais eu d'affaire Benalla ou d'affaire Chouviat, car les images n'auraient pas été diffusées au public – ce qui, je l'ai démontré, est faux – , personne n'aurait saisi la justice, aucun procureur n'aurait ouvert d'enquête, aucun juge n'aurait prononcé de condamnation. Eh bien, puisque vous estimez que toutes les institutions de la République sont aux ordres et que vous nous faites des procès d'intention, plutôt que de nous juger sur les actes, je crains qu'aucun argument rationnel ne puisse vous convaincre, et j'en suis d'autant plus désolé que cela entame la considération que je vous porte.

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