Autant le dire tout de suite : il sera difficile au groupe Socialistes et apparentés de voter le texte. Je ne reviendrai pas sur la forme, qui nous interroge et qui en dit long sur le faible respect qu'on accorde à notre assemblée pour des débats aussi importants. Je regrette aussi le peu d'attention que vous avez porté à nos amendements, pourtant déposés de manière constructive, et nécessaires à la résolution des difficultés que rencontrent nos concitoyens et nos entreprises.
Sur l'environnement sanitaire et ses conséquences budgétaires, qui nous amènent à ce PLFR4, nous pouvons partager certains éléments d'analyse qui fondent vos prévisions de fin d'année. Toutefois, si l'on peut dire que ce texte acte la dégradation de la seconde vague, il serait plus juste de reconnaître qu'il traduit une défaite après un déconfinement raté. Si celui-ci avait été mieux préparé tant en amont de la pandémie – si le Gouvernement avait mieux écouté les soignants – qu'entre les deux vagues, l'impact budgétaire des mesures d'urgence aurait pu être moindre. On n'en serait pas là sans cette impréparation flagrante. On n'en serait pas là non plus si vous aviez suivi avec rigueur l'avis no 8 du Conseil scientifique, daté du 27 juillet 2020, qui prévoyait un haut niveau de circulation du virus en octobre. Vous ne réagissez toujours pas, quand il vous confirme cet avis le 11 septembre et vous demande une réaction rapide.
S'il est difficile d'approuver le texte, c'est aussi parce qu'il ne s'agit pas seulement d'un document comptable. Il porte les gènes de votre stratégie : un financement sur la dette ; un financement sur les épaules de la sécurité sociale – autrement dit, pas de hausses d'impôt tout de suite, celles-ci ne devant intervenir qu'entre 2024 et 2033 ; des ponctions toujours plus grandes sur le logement – 1,8 milliard d'euros au total – mais aucun effort demandé aux plus aisés. Nos propositions en ce sens ont été balayées d'un revers de main, qu'il s'agisse du rétablissement de l'ISF, de la participation sur les revenus ou de la participation solidaire sur les encours des contrats d'assurance vie supérieurs à 100 000 euros, ou d'autres encore. Vous n'en avez rien à faire, vous montrant comme toujours faibles avec les forts et forts avec les faibles.
Il est difficile encore d'approuver ce texte du fait des choix économiques que vous effectuez dans le plan de relance. Pour vous et pour lui, il n'existe qu'une politique : celle de l'offre, coûte que coûte. Notre vision – que dévoilent nos propositions – ménage au contraire un équilibre entre la politique de l'offre et celle de la demande. Nous disons oui à la compétitivité des entreprises, si elles sont au service de l'emploi et vertueuses pour l'environnement. Mais nous disons oui, aussi, au soutien du pouvoir d'achat des plus fragiles, pour une relance par la consommation. Quel soutien prévoyez-vous pour la jeunesse dont les frigos sont vides, et face à l'explosion des inégalités et de la pauvreté ? Les chiffres sont éloquents. On compte 10 millions de personnes sous le seuil de pauvreté et 300 000 sans-abri. Et, depuis votre arrivée aux affaires, ils sont toujours plus nombreux, tandis que les riches ne cessent de s'enrichir. Ce n'est pas nous qui le disons : ce sont les acteurs de terrain et l'INSEE.
Enfin, que dire de certaines de vos mesures ? Les dépenses significatives que vous engagez mériteraient d'être mieux ajustées aux secteurs d'activité. Le texte ne prévoit aucun ciblage en faveur de nos TPE et PME, ni de nos commerces de proximité, et acte votre décision malheureuse de fermer ces derniers. La grogne des commerçants monte ; le Gouvernement déroule un tapis rouge aux poujadistes de tout poil !
En définitive, vous allez peut-être annoncer demain la réouverture des commerces, pour sauver la face. Ou peut-être pas, nous n'en savons rien : comme d'habitude, Jupiter décrète. Espérons au moins que, cette fois-ci, il ne faudra pas ensuite deux semaines de rectifications et de démentis.
Les erreurs que vous avez commises depuis le début, que vous vous obstinez à ne pas reconnaître, entraînent les petits commerces vers les difficultés. Vos corrections font pire que mieux : elles ont suscité une concurrence déloyale de la part de la grande distribution d'abord, des plateformes de commerce en ligne ensuite. Vous durcissez le protocole sanitaire après avoir essayé de nous convaincre que le problème résidait dans la limitation des déplacements. Quel est donc le rapport entre votre diagnostic et le remède ?
Entre-temps, vous avez refusé nos amendements relatifs à la taxe sur les surfaces commerciales – TASCOM. Ne pensez-vous pas pourtant que les géants du commerce en ligne se sont suffisamment gavés ? Amazon a réalisé un bénéfice de 5,2 milliards au premier semestre. Monsieur le ministre délégué chargé des comptes publics, ne croyez-vous pas qu'il serait bon de les pousser à la solidarité ?
Vous avez refusé en outre l'amendement de Mme Rabault, qui visait à suspendre l'amortissement des prêts liés à l'outil de production. Enfin, nous nous interrogeons sur les multiples annulations de crédits, et j'en passe.
Voilà les trop nombreuses raisons qui m'ont amené à dire qu'il était difficile d'approuver ce texte, malgré les quelques avancées enregistrées en CMP en faveur des collectivités territoriales. Voilà pourquoi nous ne l'approuverons pas.