Le coronavirus continue de sévir dans le pays, notre système de santé n'en finit plus d'être sous tension, et pourtant le budget que vous nous présentez poursuit la compression. Vous continuez notamment de demander des économies à l'hôpital. Ce budget n'est pas à la hauteur de la situation.
La crise produira des effets dans la durée. Des femmes et des hommes sont touchés par l'absence de liens sociaux et le manque de perspectives ; nos services de psychiatrie sont déjà bien à la peine. Le report des soins va aggraver également la santé de femmes et d'hommes. Dans tous les services, les personnels sonnent l'alarme.
Certes, votre projet traduit les mesures du Ségur de la santé, consenties de mauvaise grâce après des années de lutte. Mais elles sont insuffisantes puisqu'elles ne permettent pas un rattrapage intégral et ne nous replacent pas dans la première partie du tableau européen des rémunérations. Elles sont de surcroît incomplètes, injustes, inégalitaires. Dans tout le pays s'élève une vive protestation, celle des oubliés du Ségur. Dans ma circonscription, jeudi dernier, se tenait un rassemblement au cours duquel les agents du secteur médico-social m'ont transmis des pétitions et des lettres qui vous sont adressés et que je vous remettrai, monsieur le ministre, après mon intervention.
Ce choix est tout simplement indéfendable et intenable. Comment expliquer que, dans un même service, sous un même statut, certains bénéficient de ces mesures et d'autres non ? Au lieu d'unir et de dynamiser, ces décisions ont entraîné la division. Cinquante-cinq mille agents sont concernés : vous devez les intégrer sans délai dans le dispositif ; c'est une question de respect.
Je veux également profiter de cette tribune pour témoigner de l'indignation ressentie par les élèves de seconde année d'études en soins infirmiers qui ont vu, dans ma région, leur cursus interrompu du jour au lendemain. Pourquoi n'avoir pas cherché à articuler avec leur formation l'engagement qu'ils ont consenti pour venir en renfort du personnel médical ? Ils et elles ont le sentiment de n'être pas respectés, ce qui est un comble au regard des enjeux. Franchement, de tel signaux ne risquent pas de créer l'appel d'air dont nous avons besoin. Il est urgent d'ouvrir dans les établissements des bureaux d'embauche et de formation.
La deuxième ligne de force de ce budget est l'assèchement des ressources de la sécurité sociale du fait des exonérations de cotisations. Vous avez encore étendu, par exemple, les dispositifs destinés à encourager la distribution d'actions gratuites – une de ces passions tristes auxquelles vous vous laissez aller régulièrement. Vous piochez à nouveau et de façon très malpolie dans différentes caisses, comme la caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières – CAMIEG – ou la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF – CPRP – , et vous continuez de faire des mutuelles des collecteurs de taxes pour le compte de l'État. Tout cela n'est pas sain.
Plutôt que de charger la sécurité sociale d'une dette et de dépenses qui ne lui incombent pas, nous devrions la consolider pour lui permettre de faire face à la crise sanitaire et sociale dans la durée. Car la pauvreté augmente, monsieur le ministre délégué : c'est ce que disent toutes les associations de solidarité présentes sur le terrain, c'est ce que montre l'explosion du nombre de bénéficiaires du RSA, c'est ce que montrent les études économiques qui observent les effets de vos choix budgétaires. Il y a lieu de s'inquiéter, notamment à l'égard des jeunes, dont un grand nombre demeure sous les radars. Comment pouvons-nous encore accepter cela ?
De même, les besoins sont toujours criants en matière d'autonomie. Voilà deux fois que vous faites sonner les trompettes à ce sujet tout en vous contentant de souffler de l'air dans des tuyaux. Une chose est sûre : voici désormais l'aide à l'autonomie placée en dehors des règles de la sécurité sociale.
Je pourrais également évoquer la politique du médicament qui souffre d'une absence de stratégie publique. Alors que les pénuries se multiplient, on s'en remet au marché au lieu de créer un pôle public, Sanofi ferme un laboratoire à Strasbourg et poursuit ses suppressions d'emplois par centaines dans la recherche, et les Big Pharma vendent un vaccin que nous n'avons pas encore validé. À l'heure où l'on se préoccupe de la disponibilité d'un vaccin contre le covid, je pose la question : quand allons-nous enfin nous donner les moyens de peser en matière de médicaments ?
Je veux dire également à quel point j'ai été éberlué de voir les Républicains au Sénat profiter de l'examen de ce budget pour voter la mesure antisociale consistant à retarder l'âge du départ en retraite et à allonger la durée de cotisation. J'ose espérer – mais vos propos à ce sujet ne m'ont absolument pas rassuré – que cette provocation ne va pas vous donner le goût de reviens-y, puisqu'au fond vous convergez dans l'intention d'attaquer le droit à la retraite.
Notre peuple va mal. La manière dont le Gouvernement a géré la crise sanitaire a alimenté la défiance au lieu de placer la société en position de lutte et de mobilisation. Ce virus a conduit à plonger notre organisation publique et sociale dans un bain de révélateur : il faut oser regarder les images qui en sortent. Il ne suffit pas de lâcher un peu de lest, d'autres choix politiques sont nécessaires et urgents.